Bien qu’imparfait, "The Law Of Devil’s Land" faisait preuve de suffisamment de qualités pour permettre à LOUDNESS de se faire connaître internationalement. Pas pour rien que ce disque fut chroniqué par feu Enfer Magazine en France et que le groupe parvint même à monter une petite tournée aux USA. Cela était donc suffisant pour s’attirer la confiance et le groupe pu pour la première fois de sa carrière enregistrer son nouvel album à l’étranger, l’Angleterre en l’occurrence.

Bien décidé à prouver au monde entier que la scène Heavy japonaise pouvait en découdre avec les tout-puissants combos anglo-saxons, LOUDNESS livre en tout début d'année 1984 un "Disillusion" très solide, compact et sans faiblesse. C’est l’album de la consécration artistique pour le groupe qui enfin confirme tout le bien que l’on pouvait penser de lui. Terminé les hésitations des premiers albums et les titres partant dans tous les sens : aucune fausse note, que du bon.

Pourtant, "Disillusion" ne révolutionne rien. Il s’inscrit dans la continuité directe de "The Law Of Devil’s Land" en accentuant juste un peu plus l’aspect punchy de sa musique. La production anglaise de l’album lui permet de soutenir la comparaison avec les standards de l’époque, même si on est encore loin des énormes prod à la MAIDEN ou PRIEST. Ce qui fait donc la différence c’est clairement l’homogénéité qualitative globale.

"Crazy Doctor" est un titre d’ouverture dans la parfaite continuité de "In The Mirror" : tempo très speed, couplet virulent, refrain coup de poing et au milieu de tout ça une sublime partie instrumentale d’Akira Takasaki qui nous propose un solo tonitruant succédant à un break néoclassique nettement plus percutant que ce que pouvait alors faire un MALMSTEEN en ce temps là. C’est aussi ça la force de Takasaki : être un guitar-hero qui n’a aucune leçon à recevoir en terme de technique tout en mettant dans son jeu une patate peu commune dans le monde des virtuoses de la six-cordes ! Il n’y a pas que le son et le feeling qui caractérisent donc le japonais, mais surtout cette énergie folle, qui, bien loin d’être contenue, nous explose systématiquement en pleine face. On comprend donc aisément pourquoi sur cet album l’instru démonstratif à la "Eruption" se nomme "Exploder". Il ne pouvait pas être mieux nommé.

Et c’est donc avec des morceaux tels que "Crazy Doctor", le Speed Metal très rentre-dedans "Esper" (qui envoie balader le Thrash Metal naissant) et "Dream Fantasy", tous devenus des classiques, que LOUDNESS s’impose définitivement. "Dream Fantasy" est d'ailleurs un parfait exemple de toute l'ingéniosité des Japonais : un déluge de riffs ravageurs qui se voient enrichis d'arpèges en son clair pendant le refrain et ce sans la moindre baisse d'intensité. Sur ce titre, le court solo de Takasaki semble être une version bêta du fameux solo d'Yngwie MALMSTEEN sur "Rising Force", c'est dire le niveau. Quant à Niihara, c'est sur ce titre qu'il nous délivre ses lignes de chants les plus mémorables.

Outre ces classiques, LOUDNESS propose des morceaux variés, plutôt mid-tempo. "Butterfly" notamment, on dirait du RUSH en métallisé, une influence certaine pour le groupe. Que dire aussi de ce break au milieu de "Milky Way" mettant en avant la basse de Yamashita, qui remplit l'espace, accompagnée de chœurs aériens ? Véritable moment de grâce. Et puis l’album se finit en beauté avec la sublime "Ares Lament", ultime grand titre, power-ballade épique au final lancinant et émouvant, chœurs à l’appui.

"Disillusion" est un grand album d’une imparable efficacité. Il tape fort, il tape juste, il fait mal. Les Japonais ont réussi leur coup : ce disque s’inscrit clairement parmi les meilleures productions de l’année 1984, grande année du Metal s’il en est. Et pourtant ce n’est pas forcément leur meilleur opus bien qu'une partie de son public le considère certainement comme tel. "Disillusion" est en tout cas un des albums de LOUDNESS à conseiller en priorité pour qui veut découvrir le groupe. Il est certains que bon nombre de jeunes metalleux seront surpris par la puissance que pouvait dégager le groupe à cette époque, leur patronyme n’est vraiment pas usurpé !

PS : il existe deux versions de cet album, une version internationale entièrement chantée en anglais et une japonaise (chantée en japonais mais dont la plupart des refrains contiennent des phrases en anglais). La version japonaise semble être la plus répandue. La version anglaise contient en plus une intro, "Anthem (Loudness Overture)", mais je n'ai pas eu l'occasion d'écouter cette version.