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METAL-PROGRESSIF-EXTRÊME  |  STUDIO

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ENSLAVED - In Times (2015)
Par WËN le 24 Août 2015          Consultée 12310 fois

Malgré cette faculté à se surpasser dont on sait ENSLAVED familier, nous ne pensions ni possible ni raisonnable de sa part, dans l'immédiat, de tenter de se faire encore plus ambitieux que sur son récent "RIITIIR" (2012). Ce pavé si densément riche qui, telle la roche en fusion s'échappant de sa tellurique chape avait laissé jaillir son impétueux et bouillonnant flot de Prog en fusion nous avait, il faut bien l'avouer, mis la tripaille en pagaille. Une interrogation demeurait cependant toujours en suspens au moment d'approcher son attendu "In Times" de successeur. En effet, afin de pouvoir aborder idéalement ce dernier, restait à déterminer la place réelle et l'impact à attribuer à "RIITIIR", dans la discographie déjà prolixe du quintet de Bergen. Le recul aidant, devions-nous alors y déceler :

- Une réelle évolution, ce vers quoi tendait le groupe depuis une quinzaine d'années déjà, mais accéléré depuis "Vertebrae" (2008, et l'adoption du logo actuel); ENSLAVED osant enfin s'affranchir de son Black Metal primal pour définitivement basculer de l'autre côté de son art, reléguant cette noire constituante au rang de simple composante de sa nouvelle formule progressive, ainsi entérinée ?

- une "simple" parenthèse discographique; Le but étant de prouver à ses détracteurs les plus élitistes (tout en leur calant une sévère mandale en travers des amygdales) que ENSLAVED avait les capacités et le bagage musical nécessaire, si bon lui semblait, pour verser dans le tout progressif le temps d'une démonstration (et quelle démonstration), pour ensuite mieux revenir à des sonorités plus familières à son auditoire ?

Connaissant le "facétieux" père Bjørnson (guitare, composition), nous vous avouerons que c'est plutôt vers cette seconde version que penchait notre avis, celui d'un court mais intense interlude progressif, une pause aussi inattendue qu'impromptue pour mieux relancer la machine sur ce (déjà) treizième opus. Certains éléments, comme l'artwork présenté assez tôt par l'estimé Truls Espedal (honorant 15 ans de collaboration), revenant à des teintes plus familières de mate et d'écarlate, semblaient justement appuyer nos dires concernant un retour, non pas aux sources, mais tout du moins à des sonorités plus coutumières. Mais c'était sans compter les rapports qu'a longtemps pu entretenir ENSLAVED avec la presse par le passé (se plaisant à régulièrement la prendre à contre-pied). Et l'illusion de ne perdurer le temps que d'un seul et unique riff voyant ENSLAVED nous y déballer un Black Metal viscéral qu'on ne lui soupçonnait (quasiment) plus depuis "Isa". Car, bien rapidement, nous nous apercevrons à nos dépens que ce "In Times" ne saurait finalement en aucun cas faire l'impasse sur la dernière œuvre des Norvégiens … pas plus que sur les précédentes.

Et c'est sans doute là la principale force qui va d'emblée se dégager de ce recueil, car si "RIITIIR" fut carrément too-much pour certains, ce "In Times" reprenant habilement là où le combo en était quelques années plus tôt, mais tout en sachant y préserver cette aisance toute progressive à son aîné, s'inscrira ainsi comme un pont entre ces deux ères discographiques, une préquelle à "RIITIIR" en quelque sorte. De ce dernier, ENSLAVED n'en conserve d'ailleurs pas seulement les structures ambitieuses et les riffs aventureux ("Building With Fire", "One Thousand Years Of Rain"). En effet, Nuclear Blast oblige, le mixe signé Jens Bogren (qui dans cette configuration prog et tape à l'œil sait faire des miracles), clair et puissant, renforce d'un impact certain la vigueur des compositions, qu'il s'agisse des parties les plus progressives ("Building With Fire") comme des plus extrêmes ("Thurisaz Dreaming", "Nauthir Bleeding"). De ce fait et via certains de ses développements, nous en viendrons souvent à penser à ce qu'aurait pu ressembler "Ruun" (2006) avec un son plus actuel et sans les quelques flottements que nous lui connaissons. Et si (excepté les titres de son prédécesseur) il ne nous fallait citer qu'une seule composition des norvégiens à laquelle comparer les six morceaux qui façonnent cet opus, à bien y réfléchir, c'est sans doute vers "Neogenesis", l'ambitieux titre de clôture de "Isa" (2004), que nous vous redirigerions (en gardant cependant à l'esprit que la maîtrise instrumentale et les moyens dont disposait le groupe à l'époque n'étaient certes pas les mêmes qu'aujourd'hui).

Bien entendu, les autres éléments essentiels à la musique post-2000 du groupe s'avèrent toujours présents, à commencer par une indéniable maîtrise de cet art subtil qu'est celui de la transition, qui n'aura sans doute jamais de cesse de nous bluffer tant tout est tellement huilé et impeccable en la matière. Concernant les chants, la dualité Kjellson (extrême) / Larsen (clair), en une osmose parfaite mais toujours aussi singulière, apporte comme toujours son lot d'ambiances et … d'émotions (n'ayons pas peur des mots). Le second, flirtant plus d'une fois avec les intonations d'un Åkerfeldt (OPETH, sur le pont de "In Times" par exemple) et dorénavant réellement accrocheur, signe sans doute ici sa prestation le plus en verve à ce jour. Enfin, les soli d'Arve Isdal (guitare) qui parsèment l'œuvre, débordant d'emphase et de feeling savent apporter suffisamment de rebondissements pour à chaque fois nous surprendre ("Building With Fire", "Daylight"). Au final, seules les dissonances caractéristiques au riffing habituel d'ENSLAVED se font, bien que toujours présentes, néanmoins plus timorées qu'à l'accoutumée.

En définitive, chacun de ces longs titres (leur durée moyenne flirtant avec les neufs minutes), excellents au demeurant, parviendra à réaliser l'exploit de nous proposer une approche unique tout en demeurant extrêmement homogène par rapport à ses congénères. Les innovations ne sont pas non plus absentes puisque nous pourrons compter sur l'apparition de chœurs ("Daylight", "One Thousand Years Of Rain" interprétés par Einar Selvik de WARDRUNA sur cette dernière), ou de passages progressifs plus ambiants (le pont de "Daylight") qui ne manqueront pas de rappeler à notre bon souvenir ce qu'a pu nous proposer DEVIN TOWNSEND en solo par le passé (époque "Terria"). Les thématiques vikings ("One Thousand Years Of Rain", "Thurisaz Dreaming", "Nauthir Bleeding"), elles, sont toujours belles et bien présentes malgré cette orientation résolument plus moderne que le groupe a adopté depuis deux albums. En tout cas, qu'il s'agisse de noires tempêtes caractérielles ou d'enivrantes et surprenantes touches progressives, ENSLAVED nous prouve là encore, en traçant un intéressant parallèle entre ses œuvres les plus progressives et en trouvant (enfin) un équilibre moins précaire, qu'il reste l'un des maîtres incontestés de son créneau musical.

Ainsi, à ceux qui avaient décroché avec "RIITIIR", ce "In Times", plus concis mais aussi plus maîtrisé dans ses débordements, pourrait alors sans doute vous rabibocher avec la musique des Norvégiens. Quant aux autres qui déjà étaient sous le charme, nul risque que cette nouvelle offrande ne vous déplaise. Néanmoins, m'étant fait proguer la gueule avec tant de véhémence par son prédécesseur (auquel va encore certainement ma préférence), force est d'avouer que celui-ci, malgré ses qualités, semble marquer légèrement le pas, n'y retrouvant pas forcément cette folie primale qui m'avait tant emporté il y a trois ans. ENSLAVED ne se laisse cette fois-ci pas dominer par sa formule, certes, mais là où son aîné ne m'a pas encore révélé tous ses secrets, ce "In Times" s'avère finalement plus avare en la matière. Ajoutons à cela que les six titres (seulement) proposés donnent l'impression d'un album finalement plutôt court dont nous nous retrouvons à avoir plus rapidement fait le tour.

En faisant fi de ces dernières remarques (une fois de plus, absolument subjectives), sur la partition, ENSLAVED nous offre un grand album, encore une fois.

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- Grutle Kjellson (chant, basse)
- Herbrand Larsen (chant, claviers, orgue)
- Ivar Bjørnson (guitare, claviers, chant secondaire)
- Arve Isdal (guitare, chant secondaire)
- Cato Bekkevold (batterie)


1. Thurisaz Dreaming
2. Building With Fire
3. One Thousand Years Of Rain
4. Nauthir Bleeding
5. In Times
6. Daylight



             



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