Parue une année après la démo « Yggdrasil », « Hordanes Land » constitue la deuxième démo du groupe (bien qu'elle ne soit pas toujours répertoriée comme telle, elle en possède tous les aspects), qui fut éditée sous forme de split-cd avec EMPEROR (« EMPEROR »). Un enregistrement tout aussi culte que celui qui lie SATYRICON et ENSLAVED, et une superbe occasion de s'immerger totalement dans les prémisses du Black Metal Norvégien.

Concernant ENSLAVED, puisque c'est de cela dont il est question ici, « Hordanes Land » marque une avancée assez significative par rapport à « Yggdrasill » en matière d'enregistrement - la comparaison des deux versions de « Allfoör Oöin », excellent morceau présent sur les deux démos du groupe, est à ce titre édifiante : les guitares ont été repoussées en fond sonore, et n'ont plus cette omniprésence cacophonique. En découle un son plus équilibré entre la tempête des six cordes, le claquement de la basse, et les arrangements assurés par des synthés qui, pour barbares qu'ils soient, n'en ont pas moins appris dans l'intervalle quelques notions de retenue : ils interviennent de façon moins intempestives, le plus souvent sous forme de nappes brumeuses ou de choeurs ponctuant la course des guitares.

En fait, seule la voix toujours aussi rageuse et inquiétante de Grutle fait saillie au milieu d'une musique encore plus tournée du côté de l'ambiance, le groupe prenant son temps pour tisser frimas voletant sur des paysages tapissés de neige, reflétant le gris du ciel. Pas question de facilité ici, ENSLAVED oeuvre dans la recherche de la peinture sonore, et méprise la quête du gimmick flattant les oreilles avides de mélodies : Têtus, Ivar, Grutle et Trym maintiennent la ligne de conduite qui fut la leur tantôt, et continuent à composer des morceaux fleuves et envoûtants.

« Hordanes Land », au terme de sa demi-heure (pour trois morceaux!), s'avère un enregistrement assez remarquable, peu évident d'accès, et qui mérite donc sa place dans toute discographie Black un tant soit peu pointue : les légendes se doivent de susciter la plus élémentaire déférence... Et ENSLAVED est une légende...