A l'instar d'URIAH HEEP, JETHRO TULL ou STATUS QUO, NAZARETH enchaînait les albums durant l'âge d'or des années 70... au risque de tourner un peu en rond et de privilégier la quantité à la qualité. Souvent relégué dans la seconde division du hard rock, complètement dépassé sur sa droite par un AC/DC en pleine ascension, NAZARETH peut quand même se vanter d'avoir pris bien plus de risques que les Australiens, en touchant à pas mal de styles différents. A l'inverse, il faut bien avouer qu'aucun album de NAZARETH n'aura l'impact d'un Let There Be Rock, Highway To Hell ou Back In Black et pour cause puisque aucun album de NAZARETH n'est parfait de bout en bout. Et ce n'est pas Expect No Mercy qui viendra inverser la tendance, il manquera toujours un petit truc, une petite étincelle de génie pour que NAZARETH puisse rejoindre le peloton de tête des groupes phares de hard 70's.

Bien sur, NAZARETH avait en son sein une arme redoutable pour s'imposer en la personne de Dan McCafferty, un vocaliste hors pair, un des rares à pouvoir brailler avec autant de classe, une influence énorme pour toute une génération de hard rockers à venir (Axl Rose en tête). Et justement, sur Expect No Mercy, NAZARETH use et abuse de l'atout McCafferty pour masquer la pauvreté de certaines compositions. C'est flagrant dès le premier titre, l'endiablé "Expect No Mercy", avec un rythme « disco » et un McCafferty survolté qui nous fait son one-man show... une véritable pile électrique ! Sa prestation est d'ailleurs le seul intérêt de ce titre, musicalement assez pauvre et primaire, qui annonce néanmoins la couleur d'un album se présentant comme le successeur direct de Hair Of The Dog. Retour à du hard rock qui tâche donc, mais l'ambition en moins puisque Expect No Mercy est un album très simple, direct, on sent NAZARETH en roue libre dessus. Même pour Manny Charlton (toujours aussi chevelu et poilu !), c'est service minimum pour les riffs, deux par chanson, très peu de solos et basta. La production « artisanale » du disque, c'est lui également, ça manque de professionnalisme tout ça... n'est pas Roger Glover qui veut !

On peut remarquer assez rapidement une certaine symétrie dans la structure des chansons, à classer deux par deux. Cela nous donne deux chansons aux relents country/sudistes ("Shot Me Down", "Place In Your Heart"), deux chansons bien rock 'n' roll ("Gone Dead Train", "Revenge Is Sweet") et deux autres plus techniques et agressives ("Gimme What's Mine", "New York Broken Toy"). D'où une impression d'uniformité sur Expect No Mercy surtout que "Shot Me Down" et "Place In Your Heart" se ressemblent assez (la 2ème étant tout de même meilleure, elle fera d'ailleurs un très bon single), même chose pour "Gimme What's Mine" (avec un riff à la "Rat Bat Blue" de DEEP PURPLE) et "New York Broken Toy" (de très bonnes guitares sur celle là)... mais les lignes de chant de Dan McCafferty finissent par devenir vraiment répétitives, à force de s'époumoner et de brailler, on n'en retient pas grand chose (flagrant sur "Kentucky Fried Blues" qui tourne en rond). L'inspiration s'amenuise, on s'ennuie un peu. Par contre, "Gone Dead Train" est excellente, riff rock 'n' roll, efficace, refrain entêtant et facile à retenir, du NAZARETH comme on aime. "Revenge Is Sweet" est pas mal non plus quoique vite expédié pour qu'on la retienne vraiment.

Un p'tit blues pour la route ("Busted"), bien gaulé, la paire McCafferty – Charlton est toujours aussi à l'aise dans cet exercice et à partir de là, on se dit qu'il manque quelque chose. Ben oui, il manque le titre épique de rigueur. Hair Of The Dog avait "Please Don't Judas Me", Expect No Mercy propose "All The King's Horses". Bon, ce n'est pas tout à fait la même chose, ça n'a même rien d'épique mais ce titre aux accents rock sudiste prononcés est tout bonnement excellent, plus ambitieux que le reste du disque grâce à des guitares mélodiques et un refrain mémorable, choeurs à l'appui. Pour sur, NAZARETH est toujours capable d'un coup d'éclat comme celui là quand il veut bien s'en donner la peine. Pour le reste, Expect No Mercy est un bon disque, conçu pour faire plaisir aux fans même si on sent bien que le groupe a quelque peu épuisé la formule hard rock « in your face », peinant à se démarquer de la masse. Mais pas de panique à avoir, le groupe saura bientôt faire preuve de davantage de créativité.