Après le très plaisant "The Fool Circle", NAZARETH avait confirmé sa volonté de ne rien lâcher avec le surpuissant live "It's Naz" qui voyait l'introduction du guitariste Billy Rankin. Ce dernier fut avant tout embauché pour les prestations live, mais comme ça matchait très bien avec le reste du groupe, il fut introduit dans le line-up officiel. Le claviériste John Locke, ex-SPIRIT, prit aussi du galon : simple guest sur l'album précédent, il devient ici également un membre officiel. Ainsi, "2XS" est le premier album (et le seul en fait) d'un NAZARETH devenu sextette. Signe que l'entente est au beau fixe, l'écriture de tous les morceaux est collégiale, une grande première, et pas l'ombre d'une reprise ici, ça aussi c'est nouveau, décidément.

Plus nombreux et donc plus forts les Écossais (enfin, sauf Locke qui est de Californie) ? Pas vraiment en fait. NAZARETH a compris qu'avec le changement de décennie le son évoluait. Au vu du Hard Rock parfois très hargneux que le groupe a pu produire durant les 70s, on aurait peut-être pu imaginer que le groupe allait muscler son jeu, se diriger vers une musique plus Heavy. Mais soyons réalistes, NAZARETH n'a jamais fait de Metal et les deux derniers albums en date n'étaient absolument pas annonciateurs d'une telle direction. C'est donc sans grande surprise la voie de l'AOR qui allait être embrassée, et ça se ressent beaucoup sur la production de l'album, qui donc forcément ne plaira pas à tous. JOURNEY, FOREIGNER, TOTO sont passés par là, et avant eux FLEETWOOD MAC et The EAGLES, ils ont tellement raflé la mise que ça devait faire des envieux. NAZARETH prend le train en route, mais sans jamais se défaire totalement de ses caractéristiques. L'éclectisme sera toujours de mise, mais le tout demeure quand même plus formaté.

Peut-on imaginer quelqu'un d'aussi roots que Manny Charlton produire une musique ultra proprette et calibrée pour les bandes FM ? Difficilement, et pourtant c'est quand même un peu ce qui se produit. Ainsi l'opener et single "Love Leads To Madness", mixe allègrement Rock californien ensoleillé et Reggae Rock, les racines écossaises paraissent lointaines mais on sent tout de même que la guitare slide est prête à ressurgir, même enterrée dans le mix. Quelque part, le groupe se montre bien plus à l'aise dans cette démarche que ne le furent les groupes de Southern Rock US quand ils s'y mirent à leur tour.

Signe que l'approche commerciale est incontestable (c'est le début des années fric), la recherche du hit est incontournable. Si "Love Leads To Madness" et "Games" échoueront dans cette tentative, le troisième single extrait de l'album, la ballade "Dream On" (rien à voir avec les Dupont Volants), sera un hit dans plusieurs pays. Ce titre se veut être un second "Love Hurts" bien qu'il ne s'agisse pas d'une reprise. Le charme de McCafferty quand il utilise sa voix douce opère toujours, c'est mignonnet, mais à vrai dire, avions-nous vraiment besoin d'un second "Love Hurts" ? Celui-ci se suffisait largement à lui-même.

Les albums de NAZARETH ont rarement été parfaits, "2XS" n'échappe certainement pas à cette règle et comprend son lot de titres dispensables, comme ce très synthétique "Preservation" ou le mélodique mais anecdotique "Lonely In The Night". Malgré l'aspect soft d'une partie de l'album, on sera rassuré de retrouver des Boogie énergiques comme "Take The Rap" (qui pour le coup bénéficie pleinement de l'apport des nouveaux membres du groupe), "Gatecrash" et son approche rétro qui fait penser plus que jamais à AEROSMITH et le plus furieux "Boys In The Band" qui rassurera les plus hardos d'entre nous. "Back To The Trenches" marquera encore plus les esprits, c'est un Hard Rock solide et groovy qui deviendra un des favoris des fans en live à cette époque. On est rassuré : NAZARETH sait encore faire du Hard Rock malgré cette approche sonore très lissée.

Enfin, NAZARETH n'abandonne pas ses aspects bigarrés, pour ne pas dire son goût pour les bizarreries. Certains grimaceront à l'écoute du Reggae "You Love Another" et sa section rythmique qui symbolise tout ce que détestent les rageux anti-80s. "Mexico" qui clôt l'album surprend, avec ses synthés très en avant (mais pas
kitsch du tout) et la voix douce de McCafferty, le titre est baigné dans une mer de New Wave, et franchement ça fonctionne bien.

"2XS" marchera plutôt bien aux USA et en Europe, en revanche ce sera la dégringolade au Royaume-Uni où il sera très mal distribué. Le groupe est alors complètement passé de mode dans son propre pays. Malheureusement, peu de temps après sa sortie des tensions entre les membres du groupe apparurent et surtout les habituels problèmes de management, de business, surgiront. Ce qui fait que de sextette, il ne le restera pas très longtemps. Il marque également la fin de la collaboration avec A&M Records, une fin de deal qui n'était pas très bon signe.

Soyons honnête, ce disque porte fort mal son titre et sa pochette parait un brin mensongère. Néanmoins il demeure franchement agréable à écouter, l'inspiration n'a pas disparu d'un coup loin de là. On n'en dira pas autant pour la suite.