Les Finlandais d'AMORPHIS sont pour le moins des besogneux. Depuis la sortie de "Queen Of Time" ils auront successivement publié trois albums live depuis 2021. Au moment de célébrer les trente ans de la sortie de leur opus fondateur que fut "Tales from the Thousand Lakes", leur nouveau label Reigning Phoenix Music bat le fer pendant qu'il est chaud et prend ainsi la suite directe d’Atomic Fire qui s'était chargé de la sortie du Live consacré au dernier album studio des Finlandais.

C'est qu'il aurait sans doute été criminel en effet de la part du label allemand de se priver du matériel qu’AMORPHIS avait soigneusement enregistré et filmé durant les livestreams donnés en 2021 en pleine période COVID. Puisqu’en effet AMORPHIS, au lendemain de sa prestation intégrale de "Queen Of Time", effectuait dans le même esprit la performance de son deuxième album. Fait intéressant la formation actuelle du groupe contient une très grosse majorité de membres ayant en définitive participé soit à l'élaboration de ce disque ; notamment Olli-Pekka Laine le bassiste des origines qui les avait quittés en 2000, ou encore Jan Rechberger qui a rejoint ses camarades sur "Far From The Sun" après une pause de sept ans. Santeri Kallio avait été approché pour assurer la fin de la tournée du dit album à la rentrée 1994 face à l'impossibilité pour le claviériste d'alors d'assurer ces dates en parallèle de ses études, n’ayant pu le faire à l’époque, pour finalement, en 1999, remplacer Kim Rantala qui avait eu le job. Le seul membre qui n'a pas réellement connu l'époque "Tales…", de près, c’est Tomi Joutsen.

Toutefois, les aficionados des Finlandais auront bien remarqué que depuis le milieu des années 2010 une portion non négligeable d'extraits de cet album se sont retrouvés dans les selists du groupe ; pas étonnant quand on dispose de classiques comme "Black Winter Day" pour ne citer que le plus illustre. On tend parfois à se pâmer devant le chant death de Tomi, et ce à juste titre, tout en oubliant qu'il s'agit de sa forme vocale favorite et la plus travaillée. C'est l'évolution de la carrière d'AMORPHIS, qui avait viré Rock au début des années 2000, privilégiant le chant clair, sous l'influence de Pasi Koskinen, qui nous a amenés à considérer avant tout Tomi comme un chanteur à part entière qui a fortement imprégné de sa marque le style actuel AMORPHIS que l’on peut faire grossièrement remonter à "Silent Waters", quand bien même "Eclipse" en contenait les prémices.

N'y allons pas par quatre chemins, avec un son largement à la hauteur, une prestation quelque part plus passionnée et plus « dangereuse » liée à l'absence totale de samples, AMORPHIS, sur cet album beaucoup moins policé et qui brisait bien davantage de règles, semble se faire plaisir, se complaisant voire se réfugiant dans la violence mélancolique si caractéristique de l’album de 1994. Tout l’album y passe et le groupe se paye le luxe de même déterrer l’antique "Vulgar Necrolatry" ("Privilege Of Evil" - 1993), comme il l’a déjà fait en live ces dernières années : la composition du groupe ABHORRENCE, écrite par Tomi Koivusaari à l'époque même où la notion de groupe restait relativement floue, pendant que Jan Rechberger et Esa Holopainen fondaient ce qui deviendrait AMORPHIS. Et même s'il ne fait pas partie de l'album, "My Kantele" semble indispensable pour boucler la boucle et parachever un enregistrement finalement pas mineur du tout.

Avec sa pochette qui attisera immanquablement la curiosité des fans, reprenant l'aigle de la pochette de l’EP "Black Winter Day" ainsi que de son premier logo qui était apparu sur "The Karelian Isthmus" avant d’être abandonné dès "Elegy". c’est une version 2.0 de l’emblématique "Tales from the Thousand Lakes" qui nous est offert. Le combo CD + Blu Ray une nouvelle fois fait le bonheur des amateurs d'AMORPHIS qui souhaiteraient se délecter de cette prestation live. Mais à la différence de "Queen of Time Live" je perçois bien davantage une forme d'énergie communicative qui transparaît par les bandes. C’est aussi le cas du langage corporel et du jeu scénique du groupe comme évoqué plus haut. Il est amusant de constater d'ailleurs que le sextet qui a enregistré deux concerts coup sur coup dans les mêmes conditions n’a que très très peu modifié l'espace scénique y compris au niveau des micros, celui d’Oppu Laine ne servant rigoureusement pas de la prestation. Santeri Kallio, après avoir exploré le piano sur la compilation "Magic and Mayhem" a trouvé depuis quelques années la bonne formule pour "Black Winter Day" conservant le lead de synthé Moog emblématique avec des basses jouées au piano plus proches de son univers, son apport, son implication et sa mesure dans la restitution d’une musique qui reposait beaucoup moins sur les claviers à l’époque, constituent une pure réussite, ne travestissant pas l'esprit original de l'album sur lequel les guitares tirent dans tous les sens usant régulièrement de modulations par juxtaposition totalement fantasques mais redoutables d'efficacité.

Ainsi si je reste mitigé sur le "Queen of Time Live" (enfin plus précisément sur sa valeur ajoutée), concernant ce "Tales from the Thousand Lakes - Live at Tavastia", je ne peux que vous conseiller d’y aller les yeux fermés.