Je ne fais aucune intox si je dis qu'AMORPHIS fait partie des formations Metal très importantes de la dernière décennie. Devenue extrêmement populaire et forte d'un catalogue de bonne qualité avec bien entendu ses petits coups de moins bien, la formation finlandaise remplit des salles de plus en plus grandes et gagne chaque jour des adeptes, si bien que sa prochaine date en France devrait se dérouler à Bercy, excusez du peu. Elles ne sont pas nombreuses les formations Metal à remplir des arènes pareilles, et c'est d'autant plus un tour de force, car outre un chant extrême qui représente désormais la moitié des vocaux en concert, AMORPHIS a un style mélodique qui lui est propre.

Enregistré peu de temps avant que le couperet ne tombe, cette date de la tournée "Queen Of Time" captée au Helsinki Ice Hall était un évènement pour le groupe, natif de la capitale de l'Uusimaa, la plus peuplée des provinces finlandaises, qui a décidé de le graver sur microsillon, dix ans après "Forging The Land Of Thousand Lakes" capté à Oulu. Sauf que cette fois-ci, un simple support double-cd nous sera proposé ; pas de vidéos, de clips ou encore de documentaire. Je remarque bien que la puissance de YouTube dissuade pas mal d'initiatives du genre. La sortie d'un Live est ainsi devenue une autre manière de faire bouillir la marmite. Et autant "Forging The Land Of Thousand Lakes" semblait spécial avec sa setlist qui revisitait l'histoire du groupe et la consécration commerciale de "Skyforger", son documentaire, ou encore ces deux concerts filmés, "Live At Helsinki Ice Hall" fait un peu pâle figure.

Il affiche surtout assez clairement ce que l'on voit depuis plusieurs années sur scène ; pour la formation actuelle, AMORPHIS commence sa carrière avec l'arrivée de Tomi Joutsen, et il chante désormais uniquement un répertoire qu'il a préalablement enregistré ou réenregistré (les "vieux" extraits du catalogue sont tous extraits de "Magic & Mayhem – Tales From The Early Years"), et même si on peut s'accorder que c'est la meilleure période pour le sextette finlandais (qui a entretemps retrouvé son bassiste des jeunes années Olli Pekka-Laine), je ne peux m'empêcher de trouver dommage d'occulter une partie de sa carrière, surtout quand elle n'est pas déshonorante ("Tuonela" notamment).

Mais AMORPHIS a toujours de fait affiché assez clairement ses faiblesses, et ce n'est pas pour rien qu'aucun extrait de "Beginning Of Times" et "Circle" n'est ici présenté. En revanche, le renouvellement sonore et le regain d'inspiration des deux derniers disques est assez clair, puisque à eux deux "Under The Red Cloud" et "Queen Of Time" représentent la moitié des morceaux présentés ici, avec un record de six pour le petit dernier, qui a vu le groupe moderniser un peu ses sons et ses arrangements. Les extraits passent très bien le cap de la scène, même si d'un certain côté ils paraissent plus léchés et grandioses que les classiques que l'on connaît par cœur. "The Four Wise Ones" et "Wrong Direction" en imposent particulièrement, sans parler de "Bad Blood" bien brutal, ou encore de "The Bee" qui ferait, je m'en doutais, une très belle introduction.

Ce Live est donc extrêmement bien enregistré, exécuté, et il me permet de garder un témoignage de cette tournée, dont j'ai pu voir une manifestation au Hellfest. Seul petit regret ; que par rapport à la setlist-type ils aient décidé de virer "Death Of A King" qui terrassait l'audience avec son souffle épique et ses vocaux d'outre-tombe. Ici, le trio "Silver Bride" / "Black Winter Day" (qui a retrouvé son introduction jouée au synthé au lieu du piano) / "House Of Sleep" s'apparente davantage aux classiques indéboulonnables qu'AMORPHIS ne peut pas ne pas jouer (et encore, nous avions été privés de "Black Winter Day" au célèbre festival français, temps de jeu oblige).

Avantage de ce "Live At Helsinki Ice Hall", c'est qu'il est blindé d'excellents titres, donc difficile de faire la fine bouche, même si quelque part je trouve qu'il lui manque quelque chose de spécial, qui lui permettrait d'égaler son aîné de dix ans, qui objectivement était moins tubesque, d'autant que par exemple, sur "Daughter Of Hate" le saxophone de Jørgen Munkeby se retrouvant samplé, de même que les imposants chœurs du Hellscore qu'on imaginait difficilement déplaçable. Mais j'avoue que sur ce genre de date unique, le groupe aurait peut-être pu œuvrer à rendre la chose spéciale, comme lorsqu'il proposait des concerts semi-acoustiques pendant la tournée "Circle" (même si j'avoue que ce n'est pas dans cet exercice que je préfère les Finlandais, mais au moins un saxophoniste était présent sur scène).

D'où, malgré la setlist alléchante et extrêmement bien mise en valeur, la sensation qu'AMORPHIS ne s'est pas trop foulé et s'est débrouillé pour occuper le terrain médiatique dans une période où il aurait dû pouvoir tourner, alors qu'Esa Holopainen sort son projet solo SILVER LAKE concomitamment à ce "Live At Helsinki Ice Hall".