Far From The Sun est l’ouvrage d’un groupe serein et émancipé qui regarde passer les modes sans envie ni dédain, mais avec un simple désintérêt. Alors que son compatriote SENTENCED, né à la même époque dans un berceau death metal similaire a plongé dans le monde très médiatisé et parfois superficiel du metal gothique, AMORPHIS évite depuis toujours strass et paillettes et cultive son naturel malgré la récente signature chez emi. Reste à savoir si cette démarche est la bonne et si la prise de substances hallucinogènes et l’élevage de chèvres dans le Larzac sont des activités plus passionnantes que la prise de substances hallucinogènes et le trémoussement en boîtes de nuit pour vampires tristes.

La réponse est évidente, cela dépend de votre caractère. Si vous commencez à vous taper les fesses de bonheur à l’écoute du moindre accord de clavier mielleux ou d’une voix féminine saturée de réverbération, alors abandonnez tout de suite la lecture de cet article, Far From The Sun n’est pas du tout fait pour vous. Les membres de cette formation ne sont pas du genre à se présenter devant votre porte, à appuyer comme des maniaques sur la sonnette puis une fois en contact avec vous, à vous asséner d’arguments tapageurs afin de vous faire apprécier leur œuvre. Le magasin AMORPHIS ne présente aucun néon bleuté, la devanture est propre mais pas clinquante et se cache dans une petite ruelle peu fréquentée. Les vendeurs ne parlent pas fort et ne sautent pas au cou du chaland à la première occasion venue. Dehors donc les sopranos femelles à la voix noyée sous les effets insipides, les overdubs augmentant artificiellement la puissance des instruments et les synthétiseurs à la texture inodore.

Inutile également de pousser le volume de votre chaîne à un niveau nocif pour vos conduits auditifs, cet opus ne vous poussera pas à un headbanging que vos vertèbres cervicales auraient de toute façon mal encaissé.
Les guitares se font moins chahuteuses que sur Am Universum sur lequel elles montraient déjà une certaine politesse. Le retour de Jan Rechberger, qui avait pourtant pris part aux premiers exploits plus extrêmes de cet ensemble finlandais n’a en rien secouer les autres membres au tempérament mesuré, le revenant ayant au contraire appris à modérer ses ardeurs afin de s’insérer à nouveau dans une troupe aujourd’hui vaccinée contre la rage. Enfin, Pasi Koskinen ne risque jamais l’inflammation de ses cordes vocales en proposant un chant nuancé mais posé.

Mais attention, tout ce calme ne signifie pas apathie, comme une traduction approximative de nom du sextette pourrait le faire penser. Les compositions sont plutôt réussies et planetary misfortune et son caractère arabisant et killing goodness, hommage nullement déguisé à DEEP PURPLE et URIAH HEEP et orchestré par un classique mais efficace orgue Hammond montrent que le combo n’est pas encore tombé dans une léthargie nuisant à la création artistique.

Il manque peut-être à cette balade bucolique à la fois folk et seventies un vent cinglant ou une pluie mordante afin de la pimenter un peu et de la rendre plus mémorable mais la promenade est , à défaut de marquer à jamais votre esprit, agréable.