Trouver en Suisse un groupe de Hard Rock qui ne voue pas un culte à AC/DC est une gageure. Il y a, bien sûr, les indétrônables KROKUS, qui agrémentèrent le hard rock à l'australienne de fromage à raclette et de Chardonnay Zurichois, et toute une armada de suiveurs, dont les plus intéressants semblent être les Bernois de SKANSIS. Dans le lot, massif si on le place en proportion à la population du pays, certains parviennent à s'en tirer en misant sur l'originalité et l'audace. C'est le cas de GOTTHARD qui, sous l'impulsion du regretté Steve Lee, parvient à se hisser dans la deuxième moitié des années 2000 comme un groupe majeur du hard rock européen et à obtenir le statut de groupe culte, façon BON JOVI, dans son pays natal.

Et puis, si on prend le temps de descendre d'une division, impossible de passer à côté des cinq chevelus de SHAKRA. Fondé en 1996 sur les cendres du groupe RUCKUS (que de noms appétissants !), le groupe prend son envol fin 1997 par le biais d'un premier album publié uniquement au Japon, puis quelques mois plus tard, début 1998, sur le marché européen. Le fait que SHAKRA pratique un hard rock à la AC/DC est loin d'être une surprise, c'est même une évidence. Néanmoins, là où GOTTHARD avait parié sur un chanteur à la voix d'or pour assurer son succès, le groupe bernois mise pour sa part sur une agressivité et une intensité des riffs qui lui confèrent suffisamment d'attraits pour réussir à bâtir une carrière pérenne et trouver son public.

Tant par l'aspect énergique de sa musique que par la voix rugueuse de son chanteur (sur "The Devil In Me", Pete Wiedmer singe à la perfection Brian Johnson), SHAKRA rappelle à de nombreuses reprises le groupes des frères Young, et semble également s'inspirer de GOTTHARD, BONFIRE ou SCORPIONS (le riff de "I Let The Sun Go Down", copié-collé du morceau "Blackout" des germaniques), mais s'affranchit de ses influences grâce à une rugosité séduisante et un sens de la composition affûté.

Passé l'anecdotique "Hands On The Trigger", mid-tempo qui ouvre l'album de manière anecdotique, ce premier album des Suisses enchaîne les réussites, à commencer par ce brûlot furieux qu'est "Sweet Perfume", dont la production met parfaitement en valeur ce mur de guitares qui s'abat sur l'auditeur. Porté par un riff sauvage, ce titre représente, comme l'album dans son ensemble, le parfait compromis entre énergie, agressivité, mélodie et immédiateté des refrains. "Shakra", l'album, a la chance de mêler l'enthousiasme de jeunes débutants avec un savoir-faire incontestable.

Sans parler de coup de maître, force est de reconnaître que SHAKRA frappe fort et juste, et s'avère déjà un maître incontesté dans le domaine des mid-temp oppressants ("Welcome Home Again" et mélodiques, "Sally is Gone"). Se permettant en plus de réussir la ballade finale ("I Do It My Way"), le groupe suisse livre ici une très bonne entrée en matière, qui se verra confirmée par l'album suivant, du même acabit. Pas de jeter son "Back In Black", mais suffisamment d'intérêt pour donner sa chance à un groupe qui parvient à combler son manque d'originalité par des moyens tout à fait convaincants !