Hasard du calendrier, c'est au moment de la sortie de ce best-of, le premier de sa carrière longue et fournie (17 ans au compteur) que SHAKRA annonce le départ de son chanteur John Prakesh. Depuis le début de sa carrière, le groupe a été victime de trois démissions de vocalistes successives, poste auquel les remplacements, s'ils peuvent se faire convaincants, ne passent jamais inaperçus. Jusqu'ici, les Suisses ont fait un sans-faute, recrutant des chanteurs au timbre similaire, rugueux et énergique, qui ont participé à construire l'identité type "AC/DC" musclé du groupe, avant de lorgner vers des sonorités plus sombres et agressives qui lui ont permis de truster les charts suisses et s'imposer comme un fleuron de la scène Hard Rock du pays.

Dommage qu'à l'image d'un KROKUS ou d'un GOTTHARD, le groupe n'ait pas encore atteint le statut d'institution dans son pays. Car à l'écoute de cette compile, il ne fait aucun doute que le groupe a dans sa besace un énorme paquet de titres de qualité qui tirent vers le haut l'ensemble de la scène européenne. "33", donc, pour 33 titres. Un double-album bourré à la gueule des cartouches les plus marquantes que le groupe a tiré depuis ses débuts, même s'il est évident que le groupe aurait pu proposer une bonne quarantaine de titres sans défaut. Mais où est donc "Sign In The Sky", brûlot qui éclabousse "Rising", meilleur album du groupe jusqu'à maintenant, de sa classe ? Bien sûr, chacun pourrait trouver un motif de râler, mais il faut reconnaître que le groupe a su mettre en valeur son riche répertoire : en adoptant pour un ordre chronologique inversé tout d'abord, présentant en premier ses titres les plus récents pour revenir peu à peu vers ses racines. "Powerplay" et "Back On Track", représentés chacun par quatre titres, confirment ici leurs indéniables qualités et témoignent d'un groupe qui a su évoluer vers un Hard Rock plus moderne tout en conservant ses racines mélodiques.

Placés en début d'opus, 3 inédits chanté par John Prakesh viennent apporter un intérêt supplémentaire à l'ensemble. Dans la droite lignée des morceaux de "Powerplay", ces titres se font savoureux sans pour autant se faire indispensables. Si l'immédiat "Live For Today", son refrain imparable et la fausse ballade acoustique "For The Rest Of My Days" fonctionnent à merveille, c'est bien "The Beacon" qui tire son épingle du jeu. Chose surprenante, ce titre long (quasiment sept minutes) tranche avec l'identité que l'on connaît de SHAKRA en intégrant des éléments symphoniques du plus bel effet. Si la base reste un Hard Rock burné typique de la formation, un break audacieux confère une richesse appréciable à ce titre qui ne nous fait regretter que davantage la démission de John Praskesh.

L'ensemble des albums enregistrés en compagnie de Mark Fox se voient également mis en valeur. Représentés chacun par 3 ou 4 titres (à l'exception de "Rising" duquel sont extraits cinq morceaux), ces albums constituent le plat de résistance de cette compile. Dotés d'un nouveau mixage, les 3 titres extraits de "Fall" gagnent en impact, et mettent en valeur un autre album incontournable des Suisses. Les 3 premiers albums du groupe, pourtant fort convaincants et enregistrés en compagnie du chanteur Piet Wiedmar, sont ainsi les moins représentés : 2 titres chacun, ce qui exclut quelques versions live tirées du sympathique "The Live Side".

Reste qu'en livrant ainsi un panorama complet de sa carrière, SHAKRA enfonce le clou : ce groupe est un incontournable du Hard Rock, auteur de riffs sanguinaires et de mélodies d'une grande beauté. Mis à mal par l'adversité, le groupe propose une rétrospective qui, espérons-le, ne constitue pas son jubilé. Une sortie fort bien agencée, qui met parfaitement en valeur l'ensemble du répertoire du combo. Un must.