J'ai du retard. Non pas que j'attende quelque heureux événement, mais voilà, j'ai du retard. J'ai du retard sur mon PRIMAL FEAR. C'est con, mais pourtant féru de Heavy Metal à l'allemande, je me suis pendant longtemps cantonné à tourner autour de la musique du groupe, piochant dans "Devil's Ground" ou "Seven Seals" quelques morceaux de choix, laissant complètement me passer sous le nez la belle évolution de la formation, qui a gagné en ampleur et en efficacité à mesure que Mat Sinner et ses camarades se sont un peu plus creusés le ciboulot et ont proposé à Ralf Scheepers d'interpréter des lignes mélodiques dignes de ce nom (soit depuis le milieu des années 2000 environ). Cette confession faite, force est de reconnaître que la session de rattrapage que je m'impose depuis quelques années (je m'estime heureux, les moines se flagellaient avec des orties en repentance de leurs péchés), m'a permis d'envisager dans sa globalité une discographie somme toute homogène, dans laquelle il semble difficile de d'isoler un album raté ou non recommandable. Il en est ainsi du solide "Metal Commando", treizième album de la formation publié au cœur de l'été 2020, qui s'est naturellement imposé comme un des albums les plus solides du groupe.

N'ayant pas pu défendre son dernier rejeton sur scène, PRIMAL FEAR décide de prolonger sa durée de vie par la publication d'un nouvel EP mettant en vedette la ballade de l'album "I Will Be Gone". Celle-ci, intégralement acoustique, frôle la niaiserie mais y échappe de nouveau, de justesse, grâce à la prestation impériale de Ralf Scheepers, encore lui, qui ne fait décidément pas son âge, chantant mieux que jamais sur l'ensemble de cet album. Alors que l'ensemble des singles issus de l'album étaient des morceaux Heavy, voici que cet EP joue sur la facette la plus tendre du groupe, ce dernier se faisant simultanément fragile et touchant. Pour donner une saveur nouvelle à ce morceau, PRIMAL FEAR a fait appel à la chanteuse Tarja Turunen, qui se partage ainsi les lignes vocales avec ce bon Ralf. Le résultat n'est pas des plus heureux, car si Tarja apporte une mélancolie supplémentaire à ce titre, le mariage des deux voix semble un peu forcé, et la mise en son quelque peu hasardeuse (le mixage favorisant largement la voix du sieur Scheepers sur le refrain). Évitant de tomber dans sa grandiloquence habituelle (et rédhibitoire), Tarja semble baser son interprétation sur la retenue, mais semble finalement peu concernée, délivrant une prestation machinale et sans grande saveur. Il est évident, en tout cas, que ce duo n'apporte strictement rien au morceau dont on continue de préférer, et de loin, la version album.

La force de cet EP réside finalement dans le second morceau qu'il présente, "Vote Of No Confidence", un titre inédit présenté ici pour la première fois. S'étalant sur plus de six minutes, ce titre présente tout ce qui fait la richesse artistique de PRIMAL FEAR sur ces derniers albums, à savoir une alchimie délectable entre agressivité et efficacité. Voici le genre de titre qui, à la fois furieux et mélodique, permet au groupe de porter haut l'étendard de son Heavy Metal. Bâti sur un riff de bûcheron, le morceau, tour à tour mid-tempo plombé ou rapide et lumineux, propose quelques sections bluffantes et particulièrement bien construites, de même qu'un refrain qui, plus lent et introspectif que le reste du morceau, en constitue néanmoins le climax. Bref, un grand morceau qui aurait sans rougir pu figurer sur "Metal Commando".

Les trois morceaux supplémentaires ne seront pas une surprise pour beaucoup, puisqu'ils étaient déjà présents sur la version limitée du dernier album en date. Néanmoins, tous plus savoureux les uns que les autres, ils permettent d'enrichir cet EP qui aurait tout aussi bien pu être expurgé et présenter uniquement, par exemple, l'excellent "Vote Of No Confidence" en version single. Sympathique pour les complétistes où ceux qui auraient fait l'impasse sur "Metal Commando", superflu pour les autres.