"Tightrope" a vraiment permis à ANTHEM de prendre de l'ampleur sur la scène japonaise, bien aidé également par son single "Xanadu" qui inaugurait une pratique qui a depuis été largement reprise : la promotion d'un jeu vidéo. Pour Dragon Slayer II: Xanadu, ça a plutôt bien réussi aux Japonais qui vont très vite récidiver dans la foulée ("Show Must Go On!" paraîtra sur l'OST de Devilman: Birth) et se faire remarquer par le producteur Chris Tsangarides qui va les prendre sous son aile et les aider considérablement dans le développement de leur son et de leur fan-base, même si le désenchantement viendra malheureusement trop rapidement. Les formations japonaises auront de toute façon un mal fou à s'exporter malgré leur talent, et même LOUDNESS, qui y est parvenu avec un trio de très bons albums entre 84 et 86, ne remportera jamais de succès durable en occident.

Cela ne doit pas pour autant vous faire passer à côté de la passionnante carrière d'ANTHEM qui a maintenant un sacré back-catalogue dans lequel plusieurs perles se distinguent. Alors même si n'irai pas jusqu'à dire que "Bound To Break" est une perle méconnue (il est un ton en-dessous de "Tightrope"), l'évolution musicale des Japonais montre un Heavy plus maîtrisé (moins débridé aussi), qui révèle ses qualités en les mettant au mieux en valeur. En cela le concours de Chris Tsangarides est capital et sur bien des points, ce troisième album pave le chemin pour le référentiel "Gypsy Ways" qui sortira l'année suivante. Il faut dire que la pression mise sur le groupe, et particulièrement sur Eizo Sakamoto, auquel il est intimé de prendre des leçons de chant et d'apprendre à bouger sur scène, est très forte, si bien que dès les sessions d'écriture, le vocaliste commençant à se poser des questions sur son avenir au sein de la formation (il en fera part à Naoto Shibata pendant le mixage de l'album).

Et ça va payer ! "Bound To Break", tout en ne parvenant pas à égaler "Tightrope", sait se montrer à la hauteur, notamment au travers de la prestation d'Eizo Sakamoto, qui quittera bientôt ses comparses (on le retrouvera au milieu de la décennie suivante à la tête d'ANIMETAL). Il y a aussi quelques hymnes bien sentis dont plusieurs sont devenus depuis des incontournables du groupe, comme le monumental "Machine Made Dog" et son intro futuriste aux claviers, "Limited Lights", un pur concentré de Heavy Metal dont le riff me rappelle vaguement celui de "Metal On Metal" d'ANVIL, groupe révélé par… Chris Tsangarides ! Tiens, tiens… "Soldiers" a rejoint le rang des premiers classiques également avec la pièce-titre et "Empty Eyes" qui ouvrent l'album avec classe.

La fin d'album n'est pas du même tonneau c'est certain même si on reste dans du Heavy de bonne facture. La bonne production est un atout pour le groupe, notamment pour Naoto Shibata qui est bien mis en valeur ; c'est d'ailleurs souvent une constante chez les formations japonaises que cette mise en valeur de la guitare basse. À la même époque, Taiji se fait une sacrée réputation chez X d'ailleurs. "Bound To Break" est équilibré, très agréable à écouter mais pas non plus un chef d'œuvre inoubliable et l'effet de surprise de la bombe "Tightrope", plus speed et plus hymnique, lui fait de l'ombre (et ne parlons pas de "Gypsy Ways"). D'autant plus que si on avait senti sur le deuxième album une formation qui s'inscrivait moins clairement dans le sillage des formations Heavy Metal occidentales, "Bound To Break" est l'album qui sonne le plus européen au moment de sa sortie, le chant en japonais étant lui aussi réduit à portion congrue sur ce troisième opus. Mais l'âge d'or du groupe est en réalité en train de s'ouvrir à lui-même si au passage il lui faudra trouver une nouvelle voix. Car "Bound To Break" va emmener les Japonais jusqu'à Los Angeles, en tournée avec RACER-X, recueillant les éloges de Ron Keel ou encore Blackie Lawless, avide de découvrir le groupe sur scène.