Traverser les années 90 n'a pas été facile pour les amoureux du Heavy Metal. Surtout pour tous ceux qui avaient un succès qui ne leur permettait pas tout à fait de toucher à la première division. Si vous vous appeliez METALLICA, pas de problème pour vous. Si vous vous appeliez DOKKEN, vous risquiez juste de splitter. Et dans une certaine mesure, outre des contingences plus spécifiques à son origine géographique et au marché qu'il visait, ANTHEM a dû se résoudre à arrêter les frais après avoir maigrement défendu l'un de ses disques les plus modernes pour l'époque, totalement inscrit dans la continuité du "Painkiller" de JUDAS PRIEST.

À l'échelle de la carrière du groupe, ces huit années de silence discographique apparaissent comme une simple pause, mais il n'était pas alors question de remettre le couvert. Ce qui ne veut pas dire que les membres d'ANTHEM ont arrêté la musique. Même Yukio Morikawa ! Il va monter un projet – HOLLYWOOD - avec Akio Shimizu qui ne va pas passer le stade de la démo. Ce dernier participera à un album tribute à RAINBOW (NIJI DENSETSU) où il va côtoyer Joe Lynn Turner. Naoto Shibata, en sus d'avoir rejoint LOUDNESS (en remplacement de Taiji d'X JAPAN) va participer à divers albums, entre hommages aux grands du Hard Rock ("Stand Proud! II" en 1999) et adaptations de musiques de jeu vidéo – cinq volumes entre 1993 et 1995 sous l'entité Naoto SHIBATA PROJECT, dans laquelle il recroisera Eizo Sakamoto, et toujours en compagnie d'Akio Shimizu. Le jeune prodige est décidément une pépite dont les comparses ont du mal à se passer. Eizo semble le plus occupé des membres présents et passés avec Naoto, puisqu'ANIMETAL connaît alors son heure de gloire.

Mais ce qui n'était qu'un modeste projet de reprises pour "Stand Proud! II" va être à l'origine d'un réveil d'ANTHEM. En effet, l'associé de Naoto Shibata sur le projet, le producteur Yorimasa Hisatake, derrière les albums de GALNERYUS entre autres (ironie du sort, Syu, son guitariste est alors membre d'ANIMETAL également), va soumettre une idée au bassiste d'ANTHEM. Refaire un disque, dans lequel il serait prêt à investir à une condition : le faire avec Graham Bonnet ! L'idée fait sens : on a souvent loué la parenté vocale de Yukio Morikawa avec la légende anglaise, et celui qui a fait monter le groupe d'un cran à son arrivée sur "Gypsy Ways" a alors complètement disparu de la circulation. Mad Ohuchi, alors bien occupé par ses divers projets, musicaux et extra-musicaux, puisqu'il a ouvert un restaurant (Naoto dit de lui que s'il disparaissait, le plus grand perdant serait la cuisine japonaise), va mettre en boîte ses parties pour "Heavy Metal Anthem", et refermer définitivement la page ANTHEM, même s'il sera toujours dans les parages, ne serait-ce que pour sa vieille amitié avec Naoto Shibata.

Un coup de fil à Graham Bonnet, le temps de se mettre d'accord sur les conditions, et le pont d'or qui lui est fait l'amène à rejoindre le temps d'un disque l'institution japonaise. Il faut soigner cette sortie, et le reste du line-up de "Domestic Booty" va nous montrer s'il est rouillé. ANTHEM à l'aube du nouveau millénaire est-il encore pertinent ? Son ancien label, qui a sorti deux ans plus tôt un excellent best-of parfait pour résumer la "première" carrière des Japonais tend à montrer qu'il y avait toujours une clientèle. "Heavy Metal Anthem" est plus un test, un plaisir, qui sera rapidement suivi d'une tournée japonaise à guichets fermés.

Pour se faire, la sélection de dix titres réenregistrés et mixés par Chris Tsangarides, qui s'est chargé de traduire les paroles de ces classiques du répertoire en anglais, est sans surprise quasi entièrement concentrée sur la période Morikawa. Cela peut dérouter l'amateur au premier abord, mais l'entreprise est vraiment un caprice et il faut le voir comme une récréation plus qu'autre chose. Graham Bonnet lui-même s'est beaucoup amusé à l'époque sur ce répertoire acéré même si l'adaptation à l'anglais n'a pas été simple, dans la mesure où de nombreuses adaptations ont été nécessaires, afin de préserver un semblant de sens, et préserver les lignes mélodiques composées.

Qu'en est-il du résultat ? Déjà on regrette encore plus l'absence de Chris Tsangarides sur "No Smoke Without Fire", car ces versions de "Hungry Soul" et "Blinded Pain" enterrent celles de 1990. Le groupe a modernisé le son, mais pas tant que ça en fait, on reconnaît leur patte instantanément, et la sélection est impitoyable, avec même un extrait (le seul) de l'ère Sakamoto avec "Show Must Go On!" sur lequel la facette gueularde de Graham Bonnet s'épanouit pleinement. Le vocaliste, déjà pas tout jeune à l'époque, est en pleine possession de ses moyens. On s'émouvra un peu quand même de la quasi absence de "Domestic Booty" sur cette sélection, basée essentiellement sur des titres que les membres du groupe pensaient intéressants avec notre Anglais à la manœuvre. On sent que le groupe garde un souvenir encore amer de la fin de l'histoire en 1992.

Surtout, "Heavy Metal Anthem" sera tellement une réussite commerciale et populaire qu'il va sonner la résurrection pérenne d'ANTHEM. Reste que le groupe n'a plus de chanteur (Graham Bonnet retournant à ses projets après cette plaisante pige). Affaire à suivre, une nouvelle carrière, au moins aussi passionnante que la première, vient de démarrer.

Note réelle : 3,5/5.