On le savait, ANATHEMA se sentait très à l'étroit dans ce Doom Death qu'il semble avoir plus subi que maîtrisé tout au long de sa première carrière. La preuve, les morceaux les plus marquants de cette époque ne sont-ils pas ceux révélant la plus grande énergie Rock ? Des titres au groove évident, fiers d'une dynamique simple, d'un esprit radio, des tubes, des hits en puissance noyés dans le décor sombre d'une période caverneuse. "The Silent Engima", "Eternity", la rampe de lancement vers la lumière est montée, ne reste plus que le catapultage définitif. Il se nomme "Alternative 4", disque qui ne garde de Metal qu'un appétit pour le muscle, le chant encore granuleux d'un Vincent Cavanagh nettement plus à l'aise que Nick Holmes quand il s'essaie au quasi-naturel, des guitares toujours pêchues, une rythmique de plomb qui convient à merveille à ce nouveau Rock double face, mâle et mélancolique.

Immédiatement, la chronique devient toute simple, on ne chronique plus ici un disque de Metal, riche en atmosphères qui s'étalent, fier de ses tentatives de décollage émotionnel vécues au ralenti, on chronique du Rock, 10 titres qui se doivent de claquer dès les premières secondes et de tenir 3, 4 minutes chacun avant de laisser place au suivant.

Caricature !

ANATHEMA résiste encore à l'appel de la FM. Passons de 3, 4 à 5, 6 ou 7 minutes, c'est toujours ça de gagné en sérieux. Conservons quelques intros à tiroir, une pesanteur qui nous permet de garder un semblant de repère chevelu, cette influence du FLOYD éthéré rendant les 10 plages de l'opus plus profondes et savantes qu'un simple album de… Rock. Et on retrouve finalement une certaine diversité, cette fois-ci bien plus agréable à vivre que les grands écarts subis sur "The Silent Enigma".
"Fragile Dreams" possède tous les attributs du cru 1995, un simple filtre pour évacuer les scories trop évidentes d'un Metal du passé. Un morceau au riff, au refrain, au rythme de qualité. De grande qualité. Et de l'émotion.

"Empty" tombe en plein dans un Rock londonien énergique, un titre qui s'apparente à ce qui se fait de mieux dans les milieux les plus hype de la capitale d'Albion, tapissé avec stratégie afin que les fans d'autrefois ne crient pas à la trahison. "Lost Control" entre dans l'introspection somnolente qui a parfois asséné des coups difficiles à un ANATHEMA pas toujours capable de gérer les moments faibles de ses ouvrages. L'épreuve passe ici avec délice, la grâce de cordes grinçantes, une certaine dynamique…

Et l'album continue, l'ombre du couple Waters/Gilmour plane au-dessus d'une brochette de titres sachant alterner les effets. Montées réflexives vers le ciel, explosions Rock/Pop.

ANATHEMA, en mutation perpétuelle, nous sert ici un opus terriblement adulte. L'ensemble ne perd rien en émotions, il se permet même de conserver un lien presque invisible, pourtant totalement présent et étrangement émouvant, avec le passé des grottes tout en visitant des lieux parfaitement nouveaux. Une visite réussie, comprise, intelligente de laquelle le groupe extrait un suc auquel il ne goûtait auparavant que par frustrantes lichettes, un suc que j'oserai baptiser don d'écriture.

"Alternative 4" et ANATHEMA devient grand.