Avec notre trio texan, il est toujours difficile de savoir quand le sérieux prend le pas sur l’humour, ou l’inverse. Aussi, appeler un album "Recycler" quand il est le dernier à être produit pour le compte de Warner Bros, cela laisse tout de même entendre un certain ressentiment. Bien que synonyme de dollars facilement gagnés, cette période de l’histoire du groupe aura également été l’une des plus critiquées aussi bien par un pan de la presse que par certains fans de la première heure pour une direction artistique pour le moins clivante. Les rééditions CD des premiers opus par WB n’aura pas fait que des heureux non plus, avec ce son de batterie synthétique apposé sur le Blues cradingue des barbus.

La pochette fait apparaître les musiciens, une première depuis "El Loco" presque dix ans plus tôt (déjà dix aaaaaaaaaans, comme le chanterait Michel Sardou), mais l’on retrouve également la fameuse voiture aux formes bien arrondies qui fut déclinée jusqu’au corps des guitares en 1983 et le multi-platine "Eliminator". Bon, il se trouve qu’il y en a pas mal à la casse, en arrière-plan. Peut-être était-ce également un moyen de signaler que "Recycler" allait marquer une rupture dans la carrière du trio, qu’une page allait se tourner. C’est la dernière fois que le bolide figurera sur une jaquette d’un album officiel de ZZ TOP.

Ensuite, "Recycler", si nous le prononçons à la française, cela correspondrait au final assez bien pour décrire ce disque qui semble faire le bilan des années Warner. On y retrouve du Blues plus franc qu’à l’accoutumée ("2000 Blues", tout est dans le titre !) et des morceaux que l’on n’aurait pas été étonné de découvrir parmi les chutes de studio d"Eliminator". Si l’on s’attarde d’ailleurs un peu sur "Concrete And Steel", il est difficile de nier qu’il soit un opener très efficace, mais qu’il paraît sortir d’un moule, celui qui aura façonné les tubes des deux albums précédents, avec toutefois une batterie sonnant de façon plus naturelle. Mais les codes de leur « Cyber Boogie » sont encore là, bien présents, ne serait-ce que dans le phrasé musical.

Globalement, "Recycler" distille quelques bonnes idées, à commencer par "My Head’s In Mississippi", racé, qui montre que Gibbons en a encore sous le pied. Le genre de morceau qui aurait pu se fondre dans l’un des albums des années 70 sans que cela ne jure. Si vous deviez vous arrêter à un titre de ce disque, ce serait celui-ci, il contient toute la sève, tout ce que l’on aime chez notre trio préféré. Il figure d’ailleurs en très bonne place sur son "Greatest Hits" de 1992, que ce soit sur la version CD ou vinyle, cette dernière faisant grave le ménage pour passer de 75 à 51 minutes !

L’autre attraction de cette offrande texane réside bien entendu dans la version originale de "Doublepack" que l’on retrouve « un peu » remaniée dans le film "Retour Vers le Futur 3". Un morceau correct, bien maîtrisé par des musiciens rompus à ce genre d’exercice. Sans trop de surprise, mais avec le bagout nécessaire pour sortir la tête de l’eau. Il permet de terminer l’album sur une bonne note, mais pas de quoi crier au génie non plus. "Recycler" est un disque de manquements et qui pourrait n’être qu’un vain remplissage sans éclair de lucidité de la part de ses géniteurs.

Cinq ans se sont écoulés depuis "Afterburner" et les sons ont évolué. Si ZZ TOP évite l’écueil de reproduire encore une fois un disque à l’identique, il n’en demeure pas moins que certains codes sont toujours bien présents, malgré une volonté de voir plus grand. Ou plutôt, de montrer un visage plus sincère dans la démarche. Il semble avoir été pensé pour être optimal dans un format vinyle, avec cette alternance entre morceaux typiquement Hard Rock et d’autres plus posés, au moins sur sa première moitié. Cependant, tous les passages énervés sont tellement convenus qu’ils ne fonctionnent plus. Pourquoi ? Parce que chaque recette, aussi succulente soit-elle, devient quelconque, voire indigeste, si elle nous est servie trop souvent. Et au ZZ TOP’s dinner, on ne peut pas dire que la carte ait beaucoup évolué en une décennie.

Alors oui, il manque des idées neuves à "Recycler" pour mériter mieux que la note qui lui est allouée, certainement un brin sévère. Mais qui aime bien châtie bien, comme le veut l’expression. Et heureusement pour lui, ce disque contient tout de même une perle noire avec "My Head’s In Mississippi" qui dévoile des intentions plus fermes de la part du trio texan. Il restait à savoir si cela annonçait un renouveau que l’on n’attendait plus ou s’il s’agit d’un simple coup de chance. La réponse va se trouver sur "Antenna", mais sera-t-il réellement le synonyme d’une ère nouvelle pour ZZ TOP ? La suite au prochain numéro !