EUROPE est désormais parfaitement installé dans une fusée, direction les étoiles et les paillettes. Le compte à rebours commence... Tout concorde.
"Wings Of Tomorrow" leur a permis de prouver tout leur potentiel, il ne manquait désormais plus qu'un management et une production d'un autre niveau pour passer à la vitesse supérieure, ainsi que d'un tube évidemment. L'année 1985 a posé les jalons nécessaires, notamment en Suède avec le petit film musical "On The Loose", mettant en avant plusieurs titres du futur album de 1986. Le groupe intégrera aussi plusieurs compositions de cet album lors des concerts donnés cette année-là. Mais ce qui fera la différence, c'est bien entendu le succès incroyable mais logique du title-track : le timing est alors parfait, le grand public est désormais habitué à ces morceaux mettant considérablement en avant des synthés frais et modernes, et l'hymne "The Final Countdown" constitue une véritable apothéose du genre. Le chant de Joey Tempest prend une toute autre dimension ici, très démonstratif, et John Norum n'oublie pas de faire parler son côté guitar-héros et nous livrera ainsi un solo monumental qui mettra en transe nombre d'apprenti guitaristes. Pas mal quand on sait que la fameuse mélodie de synthé est en fait une vieille idée de Tempest, remontant au début des 80s.

La grande force d'EUROPE avec cet album, c'est que le groupe ne se contente pas d'un tube énorme, numéro 1 dans plusieurs pays (dont la France, qui y sera très réceptif). "Rock The Night" et "Carrie" montent également haut dans les charts, et confirment donc le potentiel tubesque de l'album et la qualité globale incontestable de ce dernier. Bien entouré, le groupe travaille avec le producteur Kevin Elson qui avait comme principal fait d'arme d'avoir produit le "Frontiers" de JOURNEY, pour autant il ne faut pas croire que "The Final Countdown" n'est qu'un produit hyper calibré issu de sessions fructueuses entre le groupe et son producteur. Car en fait, comme sur les précédents albums, Joey Tempest demeure quasiment le seul compositeur de tout l'opus et plusieurs des titres présents ici datent déjà de plusieurs années et sont le fruit d'une longue maturation. Une maturation qui ne plaira pas totalement à John Norum, guère emballé par la présence envahissante à son goût des claviers de Mic Michaeli. D'ailleurs, le dernier titre composé pour l'album, "Cherokee", est le seul, title-track mis à part, qui semble avoir été spécialement conçu pour mettre en avant les claviers. Allez donc écouter les versions antérieures de "Ninja" pour bien vous rendre compte qu'il s'agit d'un pur titre Heavy à la base. La déception de Norum semble cependant avant tout être le reflet d'un certain ego, car sa guitare est bien loin d'être enterrée dans le mix, au contraire ! Ce n'est en rien comparable avec certaines productions d'AOR de la même époque avec des guitares molles noyées dans des flots de reverb, le jeu de Norum n'a rien perdu de son mordant et ses soli sont systématiquement bien mis en avant, et quel son il a !!
Par contre, on pourra aisément comprendre que les coupes permanentes ce n'était pas trop son truc...

Au delà de toute ces considérations, il est juste un fait indéniable que "The Final Countdown" est une tuerie du début à la fin. À une exception près quand même, et elle est de taille : la ballade piano "Carrie", merci mais non merci. Une guimauve pareille qui fait très mal aux dents, c'est le cas de le dire, on s'en serait passé allégrement. Après le single avait bien fonctionné donc faut croire qu'il y avait un public pour ça, il faut dire que malgré tout le refrain reste bien en tête. En revanche, "Rock The Night" est d'une perfection absolue, un titre ravageur et puissant, les interprétations live le confirmeront totalement. "Ninja" est un brûlot Heavy, dans le style d'écriture des deux premiers albums, mettant en avant un riff mélodique de tueur et dont les ornementations de claviers ne dépareillent en rien. "On The Loose" est une cavalcade bien efficace également.

Au delà des apparences, des clichés que l'on a en tête et autres idées reçues, EUROPE n'avait rien, sur cet album en tout cas, d'un simple groupe pour midinettes comme on pouvait le dire péjorativement. Si sur la forme c'est un peu le BON JOVI européen (et j'adore le BON JOVI de cette période, donc pas d'offense), sur le fond les racines Heavy purement européennes sont toujours là. Ce ne sont pas quelques claviers bien dans leur époque qui dénaturent le tout. "Danger On The Track" symbolise bien tout cela, avec son refrain percutant façon "stadium", il laisse pourtant la place à un solo d'orgue Hammond, comme quoi les 70s ne sont pas oubliées. EUROPE incarne même ici une certaine forme de perfection, assimilant totalement l'héritage de la décennie précédente tout en s'adaptant à son temps sans aucunement se compromettre, hormis capillairement parlant ! Du grand art décidément, qui de surcroît n'a franchement pas pris une ride. C'est avec des albums comme celui-ci que l'on comprend pourquoi les années 80 suscitent une telle nostalgie !