Surfant sur la vague du succès, nos skateurs préférés de Venice Beach ne mettent pas bien longtemps avant de donner naissance au successeur de The Art Of Rebellion. En fait, la période de grossesse a été écourtée car Still Cyco After All These Years (c’est le nom du rejeton) est en fait le faux jumeau de leur premier gamin, peut-être le plus turbulent de la famille.
Suicidal Tendencies est un grand classique du skatepunk/ hardcore. Sorti en 1983, il est devenu cette année la plus grosse vente de disques indépendants et la phrase «all I wanted was a Pepsi, and she wouldn’t give it to me! Just one Pepsi!» tirée du texte d’institutionalized a connu son bref moment de gloire au sein de la culture pop.

Le réenregistrement d’une œuvre vieille de dix ans et mal distribuée est une opération commercialement souvent profitable et qui permet aux compositeurs de reposer leur cerveau tout en évitant l’oubli médiatique guettant ceux qui ont la mauvaise idée de ne pas proposer de nouvelle substance à intervalle suffisamment régulier. Mais comme de nombreuses opérations faciles et aux motivations douteuses, le résultat est souvent à la hauteur de la sincérité artistique de l’affaire.

En premier lieu, il ne reste personne du line-up original sinon le capitaine de vaisseau Mike Muir. Celui-ci a justifié ce réenregistrement en arguant de la médiocre production du premier album et des déficiences techniques des musiciens de l’époque. Certes, les morceaux sont exécutés à la perfection et la production est supérieure à celle de l’original. Mais cette démonstration de professionnalisme est bien inutile car elle oublie le principal, le feeling.
L’ensemble est trop poli pour être intéressant. Les seuls moments de vrai bonheur sont war inside my head et a little each day dont les originaux se trouvent sur Join The Army et qui bénéficient ici d’un lifting réussi. L’inédit don’t give me you nothin, oublié des sessions de Lights, Camera, Revolution n’est pas à sa place, perdu en milieu de galette et accentue l’impression de stérilité qui se dégage de cet effort. Ce titre, comme les deux précédents, permet néanmoins de se rendre compte que le SUICIDAL TENDENCIES des années 90 est plus à l’aise dans un registre metal que punk, et que les qualités requises dans ces deux genres musicaux sont différentes.

La pochette représente les quatre musiciens sous ce fameux globe de metal de la plage de Venice et ce clin d’œil à l’original peut s’analyser ainsi. Sur Suicidal Tendencies, les quatre énergumènes étaient pendus la tête en bas. Sur la nouvelle version, Rocky George, Mike Clark et Robert Trujillo ont les pieds sur terre et ce manque de folie se ressent cruellement. Comme je disais précédemment, les attitudes punk et metal sont parfois contradictoires et l’union des deux a ici échoué.

Qualité artistique et mercantilisme font rarement bon ménage et Still Cyco After All These Years est le symbole de ce mariage impossible, le premier des conjoints n’ayant jamais franchi la porte de la mairie.