Join The Army était bancal et manquait singulièrement de muscle. La mutation de SUICIDAL TENDENCIES d’un quartette hardcore enragé en une entité metallique était osée et le deuxième album des californiens faisait naître quelques questions relatives au bien-fondé de cette transformation. Depuis la sortie de How Will I Laugh Tomorrow When I Can’t Even Smile Today, le scepticisme n’est plus de mise. Cette politique était la bonne et le groupe a finalement tout gagné avec cette métamorphose.

Premièrement, ce disque est le plus puissant depuis la création du combo. L’adjonction de Mike Clark, guitariste rythmique de grande classe permet de retrouver l’énergie du premier album, qui s’était perdue lors de l’enregistrement du deuxième, tout en l’enrichissant d’une puissance digne des plus grandes machines du metal (SLAYER pour n’en citer qu’une).
Deuxièmement, ce même Mike Clark a largement contribué à la composition des morceaux et le résultat est surprenant de musicalité. Le sens mélodique du nouveau venu transcende la musique d’une formation jusqu’alors plus réputée pour sa fougue que pour son travail sur les harmonies.
Troisièmement, Rocky George est libéré de ces chaînes. Le travail du guitariste rythmique lui permet de se concentrer sur ce qu’il sait faire de mieux, des soli aériens et subtils, qui sont aujourd’hui une des marques de fabrique de SUICIDAL TENDENCIES.
Je pardonnerai donc à Mike Clark le ridicule bandana bleu qui lui obstrue sensiblement la vision, soit disant symbole d’appartenance au gang des crips, à mon avis plutôt signe d’allégeance au maître Mike Muir, celui-ci faisant preuve d’incroyables qualités et ayant plus que favorisé l’ascension de son nouvel employeur vers les sommets artistiques.

Mike Muir, malgré une voix un peu noyée par le mixage final, est porteur de textes sombres et inspirés, Rocky George, je le répète, affirme sa maîtrise de la guitare solo et se voit pousser des ailes et la section rythmique composé des deux autres larrons RJ Herrera et Bob Heathcote tient sa place à la perfection.

Monument du crossover metal-hardcore, cette galette impose le chanteur musculeux, unique survivant de la première époque dans un nouveau registre plus mature, plus maîtrisé mais toujours aussi dur, efficace et aux atouts plus variés qu’auparavant.

La seule longueur réside en ce titre de douze mots et quarante-quatre lettres pénible à écrire et à prononcer. Le contenu de ce disque est parfait, inoubliable et a résisté à l’épreuve du temps sans prendre une seule ride malgré un soleil californien agressif et dangereux pour la peau.
A défaut de pouvoir replaquer un ollie impossible flip sans me tordre deux chevilles douloureuses, How Will I Laugh Tomorrow reste le le plus sûr moyen de revivre mes tendres années passées à user mes semelles au Palais de Tokyo avec ma board sous les pieds.

“Skateboarding is not a crime but listening to SUICIDAL TENDENCIES is simply mandatory!”