La civilisation scandinave, souvent résumée aux audacieux et téméraires Vikings, peuples de commerçants et explorateurs que la nécessité a transformé en pillards, bénéficie de nombreux atouts qui justifient son adoption, tant au niveau de l’imagerie que des thématiques abordées par les textes, par la communauté et donc les artistes issus de la scène Metal. Ode à la fraternité, à la volonté de ne jamais trahir sa fierté, ces peuples véhiculent des valeurs chères au metalleux (la bravoure, l’abnégation, la force de caractère), et qui permettent à ces derniers de transposer, à moindre coût, leurs préoccupations quotidiennes dans un passé rendu romanesque. Le chanteur de Punk ou de Hardcore crache sur les politiques et déplore l’effondrement de nos sociétés contemporaines, le chanteur de Heavy Metal va, pour aboutir à un résultat similaire, passer par ces moyens détournés que sont l’histoire et la fantasy.

Ainsi, après avoir consacré plusieurs albums aux dragons et aux créatures des sombres royaumes, il est presque naturel de voir les Suédois de BLOODBOUND proposer un album-concept dédié à l’ère des Vikings. Sans entrer dans les détails narratifs que les amateurs du groupe ou de l’époque auront à cœur de décortiquer, la bande à Tomas Olsson évoque sur son dixième album différents mythes et légendes liés à la culture de leurs ancêtres, qui s’entremêlent et se succèdent pour aboutir l’épique bataille de Stamford Bridge en 1066, communément admise comme marquant la fin de l’ère Viking. Un voyage salvateur, synonyme d’une vigueur retrouvée pour BLOODBOUND qui signe ici un album à l’écoute duquel l’enthousiasme est de mise.

Après s’être légèrement (et peut-être volontairement) perdu sur ses dernières réalisations, allant chercher un peu trop l’inspiration du côté de SABATON ou POWERWOLF, les Suédois ont semble-t-il décidé de recentrer leur propos et de revenir à des ambiances rappelant leurs premiers albums. Non pas que le groupe fasse preuve ici d’un passéisme le voyant tenter d’émuler les sonorités de ses albums fondateurs, mais il y a ici des gimmicks qui peuvent rappeler les glorieux "Moria" et "Nosferatu" sur "Tales From The North". Le morceau-titre, qui ouvre l’album, propose un Heavy Speed survolté qui donne le ton d’un album à l’avenant : les mélodies, le plus souvent percutantes et inspirées, sont posées sur des rythmiques qui, sans aller jusqu’à atteindre la vitesse de la lumière, dépassent néanmoins le seuil autorisé pour le retrait de permis. Ce premier morceau, serait, volonté de retour aux sources oblige, plus à ranger du côté du voisin STRATOVARIUS, le refrain rappelant ostensiblement celui du morceau "Eagleheart". Dans une veine similaire, "Odin’s Prayer", flamboyant et plus brillant qu’une étoile, évoque la belle époque de l’album "Stormborn", tandis que "Mimir’s Crystal Eye" fait preuve d’une intransigeance salvatrice : sur ce morceau, BLOODBOUND fait du BLOODBOUND, et après avoir souvent rapproché la musique du groupe de celle de ses contemporains ou de ses inspirations, c’est ici certainement le meilleur compliment que nous puissions lui faire. Ainsi, et s’il est probable que "Sail Among The Dead" soit du HELLOWEEN dans le texte, il y a ici une vigueur, un enthousiasme et une force mélodique qui nous recentrent sur l’essentiel : dans le genre Heavy Mélodique, les Suédois sont très certainement les meilleurs actuellement. Preuve en est le morceau "1066" qui clôture l’album. Épique à souhait, riche en arrangements, foisonnant d’orchestrations, ce morceau dégage une intensité surprenante autant que salvatrice. BLOODBOUND nous convoque sur le champ de bataille, et si l’accent est volontairement porté plus sur la galvanisation des troupes que sur l’horreur de l’affrontement, le résultat est profondément et durablement savoureux.

Un léger point d’achoppement ? Cette tendance du groupe à agrémenter certains de ses morceaux d’instruments donnant à la musique du groupe un côté Folk Metal pas vraiment authentique. Si "Drink With the Gods" reste sympathique par son refrain léger et fédérateur, "The Raven’s Cry" et "Land Of Heroes" souffrent de cette tentative d’accroche apportée par des mélodies folkisantes sans grand intérêt, qui n’apportent strictement aucune valeur à l’ensemble et qui tentent parfois de masquer par cet artifice une faiblesse structurelle des morceaux (les couplets de "Land Of Heroes" tombant très vite à plat).

Mais ces légères imperfections ne suffisent pas à entamer notre enthousiasme. Avec "Tales From The North" BLOODBOUND resserre les rangs, se rassemble, laisse tomber ses tendances à jouer les ramasse-miettes, et revient à des sonorités qui séduiront inévitablement ceux qui ont suivi le groupe sur ses six premiers albums. Direct autant qu’étoffé, généreux et limitant l’usage d’artifices, ce nouvel album n’est pas exempt de quelques facilités et tentatives d’accroche qui ne nous laissent pas dupes. Mais il y a surtout une force mélodique et une maîtrise parfaite de la création qui nous laissent admiratifs à l’écoute du talent gravé sur disque des six Suédois. Par Odin, un retour à célébrer en grandes pompes !