La foudre peut-elle tomber deux fois au même endroit ? En regardant de plus près la géographie du Black Metal, c’est une question qu’on est en droit de se poser. Car en 1982, la Suisse voyait naître en ses flancs montagneux le monstre HELLHAMMER, facilement définissable comme un des premiers vrais groupe de Black. 5 ans plus tard, en ce même pays apparaissait le groupe qui participera le plus à établir le son et l’esthétique d’un nouvelle du genre : j'ai nommé le grand SAMAEL, dont aucun groupe de la seconde vague ne peut nier l’influence crucial de "Worship Him", manifeste noir des temps nouveaux.

Ainsi la Suisse, après des siècle de paix et de vague neutralité, rattrape le temps sur ses belliqueux voisins en offrant au monde musical ses deux groupes les plus assassins. Cependant, entre "Denial Fiend" et "Apocalyptic Raids", il y a un écart considérable ! Et c’est une différence de nature similaire que l’on constatera entre ce "Medieval Prophecy" et "Worship Him" : d’un coté l’amateurisme, de l’autre la maîtrise.

Ainsi quand sort cet E.P. en 1988, il est facile d’imaginer qu’il suscita autant de rires que de fascination. Mais si en effet la production et les compositions peuvent paraître, à juste titre, douteuses, on tient pourtant ici la production Black des années 80 la plus prophétique par rapport à ce que deviendra le genre suite à sa résurrection des années 90.

Tout d’abord Vorphalack et Xytras parviennent à épurer leur son de toutes traces de Thrash Metal, chose que même Quorthon dans ses années Black ne parviendra à faire. Le son de SAMAEL s’inspire exclusivement de HELLHAMMER, à qui il pique la suprématie de la lourdeur sur la vitesse, du Doom sur le Thrash, pour un rendu d’une noirceur inattaquable. SAMAEL ne cherche donc pas à se déchaîner mais préfère partir en quête du morbide, du satanisme rituel, capes et candélabres au rendez-vous.

De NECROMANTIA à MYSTIFER, on ne mesure plus l’impact d’un tel parti pris (musical et esthétique) sur la petite galaxie du Black Metal.

Cette quête du morbide, que le groupe synthétisera avec son titre "Morbid Metal" (dans lequel il cite le titre de cet EP), se poursuit à l’aide de deux artefacts propres au culte de SAMAEL.
D’abord il y a cette voix, férocement inhumaine sans pour autant manifester de la brutalité. Son effet est immédiat et le sentiment de malaise qu’elle provoque est indéniable.

Ensuite il y a ce deuxième titre : "The Dark". Un instrumental très Doom avec lequel SAMAEL s’exerça à obscurcir ses riffs. Car contrairement à ce drôle de cliché, sans doute véhiculé par une certaine tradition BURZUMienne du genre, le Black ne se définit pas seulement par ses caractéristiques vocales. L’atmosphère de la production et la sonorité des riffs sont aussi des éléments cruciaux dans la composition d’hymnes noirs.

Ainsi, bien que ce petit E.P. ne paie pas de mine avec ces deux titres principaux fournis ici dans leur version la plus maladroite (mais qui deviendront des classiques sur le premier album), il serait une erreur d’en négliger l’importance historique. On soulignera la reprise de HELLHAMMER, nous assurant que SAMAEL a bien payé sa dette à son grand frère avant de prendre le relais.

Ces frangins suisses établissent donc ici la nouvelle identité du groupe de Black Metal par excellence. Et malgré que BLASPHEMY, MAYHEM, BEHERIT, NECROMANTIA, ANCIENT RITES et d'autres établiront ce disque comme un des plus importants du genre, on peinera, face à "Worship Him", à lui trouver un véritable intérêt musical.

2,5/5.