L’après "Remains" ressemble à une gueule de bois partie en vrille pour Jeff Waters : non seulement son divorce le consume totalement, mais en plus il voit une bonne partie de sa fanbase lui tourner le dos. Le temps passe, lentement. Jeff ne tourne pas pour promouvoir "Remains", puis il se décide à se remettre au travail. Il va finir par rassembler le line-up de "Alice In Hell" (à l’exception du bassiste Wayne Darley, qui a refusé) pour mettre en boîte ce qui ressemble fort à une suite à cet album mythique, "Criteria For A Black Widow".

En effet, nous retrouvons une pochette familière. Il y a Alice en petite tenue (du coup, elle a vraiment, vraiment grandi…), en salle posture, entourée de poupées tueuses. Et bordel, qu’est-ce que c’est moooooooche ! Les poupées semblent être incrustées sur la jaquette et leur rendu est devenu assez ridicule, le trait est trop forcé. Et difficile de se prononcer quant au maquillage ou à l’éclairage mettant aussi peu en valeur le visage de la jeune femme incarnant Alice, sinon que cela lui donne un teint blafard et aussi peu naturel en pleine nuit qu’un réfrigérateur branché en plein Sahara. C’est plus Regan McNeil Possède ses Poupées que "Alice In Hell".

Mais ce qui fait indubitablement plaisir aux vieux fans, c’est le retour de Randy Rampage derrière le micro. Tu la sens la promesse de brutalité ? Inutile de préciser que Jeff Waters regarde dans le rétroviseur. On lui reprochait d’être trop… Moderne sur "Remains" ? Qu’à cela ne tienne ! Il va donc faire du bien vintage, en se basant sur ce qui a été fait sur les deux premiers albums histoire de bien retrouver cette ambiance et des fans par la même occasion, qui reviennent dans le giron ANNIHILATOR en essorant leurs mouchoirs tellement ils pleurent de bonheur. Et ça aussi, ça sera reproché à Jeff.

Il faut bien comprendre que "Criteria For A Black Widow" n’a que les intentions. Intention de renouer avec l’esprit conquérant des premiers opus (surtout du premier), intention de recréer un buzz autour d’une formation à qui on avait prédit la lune et qui se trouve au niveau du caniveau, intention de se retrouver une respectabilité. Et durant 5 minutes et 22 secondes, ANNIHILATOR va faire illusion. Si un album devait être jugé sur une chanson, "Bloodbath" serait très certainement applaudie et "Criteria For A Black Widow" passerait pour un chef d’œuvre : un Thrash qui prend son temps pour connaître sa vitesse de croisière, mais qui tabasse comme au bon vieux temps, Rampage bien présent, qui a appris à moduler sa voix depuis 1989 et des soli qui fusent comme au bon vieux temps. Tu le sens le vieux con de nostalgique ?

Mais tout ça, ça s’écroule, trop vite. "Back To The Palace" est la première entorse à la réussite de l’album. Ce n’est pas tant reprendre des mélodies de "The Fun Palace" comme traceurs tout le long du morceau qui est gênant. C’est de ne pas se montrer à la hauteur de l’original (et à ce titre, je suis bien content qu’ils n’aient pas fait un "Alison Hell 1999" par exemple), qui était, il faut bien en convenir, brillant. Waters semble avoir perdu son sens du solo, et là, c’est Coburn Pharr qui semble manquer à l’ensemble. Et à partir de là, le disque va s’acharner à partir en cacahuètes. Et franchement, ça devient rapidement gênant.

Vous voulez du clin d’œil dont le groupe aurait mieux fait de s’abstenir ? Jetez une oreille sur le "Schizos (Are Never Alone) Part III" et pleurez. Rien ne se tient vraiment, les réflexes Thrash agressifs des deux premiers titres (oui, "Back To The Palace" avait quand même ça pour lui) disparaissent en même temps que le charme vocal de Rampage, qui devient de plus en plus balourd à mesure que le disque s’écoule (le title-track est à ce titre effroyable de nullité). "Double Dare", "Sonic Homicide"… La liste des ratés s’allonge et on en vient à chercher désespérément les bons titres. Bah, faites tourner "Bloodbath" en boucle, ou remettez-vous "Alice In Hell", je ne vais pas vous prendre par la main non plus.

Que voulez-vous ? Quand la magie n’est pas présente, il ne faut pas escompter sur un miracle. Jeff Waters a beau réunir la quasi-totalité du line-up de "Alice In Hell", il ne leur laisse pas plus de liberté qu’avant. C’est encore lui qui joue toutes les parties de basse par exemple, à croire que Russell Bergquist n’a été embauché que pour apporter une dose de cheveux soyeux sur la photo de « groupe ». Il manque l’âme. Il manque également cette envie d’en découdre que l’on retrouvait sur le premier album, cette volonté d’en imposer et de s’en imposer. Qu’on le veuille ou non, il faut bien admettre qu’en 1999, ANNIHILATOR est une institution fatiguée.