La mutation engagée avec "Fiction" trouve avec "We Are The Void" son approfondissement logique. DARK TRANQUILLITY a changé. Devenu une référence incontournable, un groupe rentable, DT semble avoir décidé d'assumer pleinement son statut de blockbuster, et nous sert donc une formule artistique revue et corrigée. Le groupe fin et original d'antan n'est plus. Finies les expérimentations, Sundin et sa clique ont décidé de faire primer l'efficacité. Les riffs sont plus secs, l'ambiance plus torturée, l'orientation générale nettement plus agressive. Plus death, le groupe s'en retrouve logiquement moins mélodique et, modernité oblige, plus indus, avec des sonorités pas forcément très éloignées de celles des grandes pointures du metalcore ricain qui a tellement cartonné ces dernières années.

"Fiction" était déjà décevant. Je ne retrouvais pas au travers de cet album l'œuvre tellement transcendante du combo suédois qui avait su, de part sa finesse et son indépendance de style, pondre des albums inoubliables. Ô combien hélas, "We Are The Void" enfonce le clou. DT rentre dans le rang, c'est clair et net. L'album est intrinsèquement bon, il ne souffre d'aucun point faible d'un point de vue strictement technique... Mais quel ennui ! Les structures se suivent et se ressemblent, les sonorités s'enchainent à un rythme effréné sans la moindre césure et cette ligne directrice ne subit que rarement quelques interruptions, avec des incursions de chant clair aussi superficielles que maladroites.

On était en droit d'attendre cent fois mieux d'un groupe aussi estimé et estimable, qui n'est ici clairement plus à la hauteur de sa réputation. "We Are The Void" incarne une rupture, et c'est un chapitre fort dépitant qu'ouvre DARK TRANQUILLITY en cette année 2010. S'ils continuent sur cette voie, les suédois seront bientôt à peu près aussi inspirés que leur compatriotes d'ARCH ENEMY, dont les dernières productions donnent d'ors et déjà en spectacle une œuvre inutilement brutale, incontestablement vulgaire et d'une fadeur à faire peur. Le death mélodique file un bien mauvais coton et la scène de Göteborg semble aller droit à sa perte. Après IN FLAMES, c'est au tour de DT de s'égarer dans une démarche artistique pseudo-moderniste bien foireuse. L'heure pour une nouvelle génération de reprendre le flambeau ? Encore faudrait-il que cette dernière en soit capable...