Quand un monstre du Death Mélodique intitule son nouvel album "Endtime Signals", l’inquiétude peut pointer le bout de son nez…

En effet, le genre semble frapper par différentes fortunes, entre changement de cap (IN FLAMES), retour aux affaires désormais en pointillé (AT THE GATES), pilotage automatique (ARCH ENEMY) et j’en passe. DARK TRANQUILLITY, de son côté, nous présente donc son treizième LP, bien loin des "Signaux de la fin des temps" annoncés.

Il faut dire que l’entreprise est des plus délicates sur le papier : succéder à un "Moment" monumental (2020) ne s’annonçait pas forcément si évident que cela.
Il m’en a fallu du temps et beaucoup d’écoutes pour lui donner véritable sa chance à ce petit dernier de la lignée. Il s’agit ni plus ni moins que d’un album qui se découvre sur la durée, j’y reviendrai plus tard, une fois les présentations achevées.

Car en effet, DT a pris la (fâcheuse) habitude de bouleverser son line-up et c’est donc reparti pour un tour : la section rythmique a littéralement foutu le camps avec le départ d'Anders Iwers (basse) et Anders Jivarp (batterie) en août 2021. Mes réelles craintes de voir Christopher Amott (guitare, ai-je besoin de le rappeler ?!) comme de coutume prendre la fuite d’un groupe où il assure des piges V.I.P étaient malheureusement fondées : il quitte le navire en juillet 2023. Entre temps, en janvier 2022 Fredrik Johansson, guitariste rythmique sur les monuments "The Gallery", "The Mind’s I" et "Projector", décède d’un cancer à 47 ans…
Vous l’aurez compris, durant quatre ans, la ligne de vie du groupe n’est pas restée sans évènement marquant. C’est donc sur cette base que DARK TRANQUILLITY (re)devient une formation composé de cinq artistes et non six comme sur "Moment", avec l’arrivée de Christian Jansson (basse, GRAND CADAVER) et Joakim Strandberg Nilsson (batterie).

Niklas Sundin assure de son côté un atterrissage en territoire connu en signant une nouvelle fois l’artwork de ce nouvel opus : ce changement dans la continuité est ici une marque évidente d’un premier message. DARK TRANQUILLITY est de retour et compte bien poursuivre sur la voie ouverte et tracée par son opus précédent, ce qui est très vite confirmé sur les écoutes successives que vous pourrez en faire.

Si DT est de retour, il enfonce le clou sur le côté mélodique affiché sur "Moment". Il va me falloir beaucoup insister sur la "comparaison" avec le grand frère car les Suédois confirment et affirment cette dimension artistique ici avec toujours autant de magie. Ils poussent le vice en reprenant sans vergogne carrément une ligne lead de guitare pour "Drowned Out Voices" qui ne pourra que vous rappeler "Phantom Days" au moment de son bridge. Si au début la surprise m’a quelque peu ulcéré ("bordel, ils ne se sont pas foulés sur ce coup" #plagiat !!), force est de constater que tout cela fonctionne terriblement. "Our Disconnect" vous connectera rapidement également vers ces terrains connus si vous les avez déjà foulés…

Ce fut long mais c’est désormais une évidence : "Endtime Signals" est un très bon album de DARK TRANQUILLITY. Il est tout d’abord comme de coutume d’une production sans faille et comme toujours très soignée : on notera que par exemple "One Of Us Is Gone" se pare de violoncelle et de violons. Il est composé de titres d’une belle homogénéité.

Mikael Stanne, qui n’en finit plus de multiplier les projets parallèles (hyperactif ? Dopage à outrance ? Quel est son secret ?), ne s’éparpille pas pour autant et à cinquante ans n’en finit plus d’impressionner aussi bien ici que sur scène. Il nous régale de passages en voix claire (refrain de "Wayward Eyes") mais j’y reviendrai côté déception. Les claviers sont variés et prennent un timbre très New Wave wave par moments ("Wayward Eyes"). Les soli sont assez rares pour être appréciées : "The Last Imagination" fait dans le "simple, efficace et pur DT", "Enforced Perspective" tout en speederie et nervosité. C’est à ce titre que les morceaux énergiques sont appréciés : il nous rappelle de bien beaux moments. Comment ne pas penser à "Damage Done" avec "Enforced Perspective" ?

Si le tableau semble idyllique, il faut toutefois noter quelques écueils : j’ai par moments eu du mal avec le jeu trop stéréotypé à la batterie de Nilsson ("Unforgivable", très bon titre pour autant), le riff guitare du refrain de "A Bleaker Sun" est particulièrement raté, la voix claire (présente sur cinq titres) est parfois trop mièvre : la palme à "False Reflection" qui achève l’album sur une déception, alors qu’au fil du temps j’ai vraiment apprécié "Not Nothing", titre trompeur et malin dans sa construction, voire "One Of Us Is Gone" qui m’a gonflé très très longtemps (ce n’est pas encore complètement gagné cette histoire, même si cet hommage à Fredrik Johansson permet de prendre du recul).

"Endtime Signals" n’est pas un album immédiat. Sa douceur et sa grande mélodicité couplées à de nombreux titres "mid-tempo" ou alternant des breaks pourront surprendre voire décevoir même les plus mordus aficionados de DARK TRANQUILLITY. Sorte de maillon manquant dans le schéma de l’évolution depuis "Atoma" jusqu’à "Moment", il constitue la preuve criante du savoir-faire indéniable des Suédois depuis plusieurs décennies : une capacité sans faille à vivre dans et avec son temps sans se trahir.

La marque des plus grands, indubitablement… Mais qui pouvait vraiment en douter ?

Note réelle : un gros 4/5.

Top : "Enforced Perspective", "Neuronal Fire", "Drowned Out Voices", "Shivers And Voids".