Ce premier album des Suédois d'EUROPE prouve que les tremplins musicaux sont parfois utiles. Ce coup de pouce aura permis au groupe de lancer sa carrière dans de bonnes conditions et c'était amplement mérité tant sur cet album séminal on perçoit déjà le potentiel musical énorme de ces gars là. Bien sûr, le groupe ne dispose pas encore de beaucoup de moyens et l'ensemble peut sonner un peu étriqué, notamment la guitare de John Norum, un brin aigrelette. Les synthés de Joey Tempest restent aussi un peu trop en retrait, ce qui est dommage car ils sont utilisés à bon escient. Bref la production est logiquement perfectible mais les qualités musicales sont totalement au rendez-vous.

Déjà, Joey Tempest s'impose d'emblée comme un excellent chanteur. Il est pourtant encore loin d'être à son meilleur niveau, mais son sens de la nuance est déjà là. Tempest refuse de faire dans l'ultra démonstratif, et s'impose surtout comme un interprète mettant mélodie et sensibilité en avant, sans oublier d'être un rockeur pur et dur. L'autre grande force du groupe est évidemment le jeu de guitare de John Norum, éclatant, généreux, tant en riffs qu'en mélodies. Rappelons cependant que l'album est entièrement composé par Tempest, Norum restant avant tout un interprète mais qui saura imposer sa patte, il s'offre d'ailleurs un instrumental à sa mesure, "Boyazont", complètement dans l'esprit de l'époque (les "Switch 625" et cie).

Au delà des qualités musicales de ses musiciens, ce premier album reste avant tout un concentré d'excellentes chansons. Le début de l'opus étant absolument canon, avec ce point culminant qu'est le formidable "Seven Doors Hotel", premier single à succès du groupe (au Japon), il s'agit d'un véritable bijou de composition, avec son intro mystérieuse... Et pour cause car le morceau est inspiré du formidable film de Lucio Fulci, "The Beyond", sans doute mon film d'horreur préféré et qui avait fortement impressionné Joey Tempest. Cette intro laisse cependant vite sa place à une cavalcade de Heavy mélodique impressionnante, soutenu par des chœurs que l'on imagine tout droit enregistrés dans une crypte abandonnée nimbée d'une brume mystérieuse.

EUROPE a beau avoir fait son apprentissage en reprenant les grands classiques du Hard et du Heavy des 70s, ce premier album s'inscrit totalement dans son époque : la rythmique est très véloce, ces gars-là avaient compris l'évolution du Heavy portée par la NWOBHM, la gloire locale HEAVY LOAD a très certainement été assimilée, à cela s'ajoute le don spécifique commun à tous les musiciens suédois pour la mélodie, et vous avez donc un sacré combo gagnant.

Certes, la première face est bien au dessus de la seconde, un défaut assez commun à cette époque, cependant des titres comme "Children Of The Time" ou "Memories" restent plus que recommandables. Ce premier album n'en demeure pas moins un des tout meilleurs d'EUROPE, ah s'il avait pu avoir le son et la production de son successeur...