Il y a des rencontres qui sont déterminantes. Le genre de rencontres qui peuvent changer une vie. Pour SAVATAGE, celle de Paul O’Neill va s’avérer primordiale pour la suite de leur carrière. Après un "Fight For The Rock" calamiteux, le groupe se trouvait dans une espèce d’impasse : continuer comme si de rien n’était et peut-être s’enliser encore plus ou au contraire, s’extraire de la fange et se montrer conquérant. Les musiciens étant conscients qu’ils se sont vautrés, la maison de disques se sachant coupable au vu de l’échec artistique et commercial de "Fight For The Rock", placer Paul O’Neill à la production du nouvel opus pourrait être considéré comme l’idée du siècle. Si Franquin n’avait pas eu des idées encore plus folles avec Gaston Lagaffe. Mais ça, c’est une autre histoire.

La pochette n’est pas forcément la plus réussie de celles du groupe, elle reste cependant assez évocatrice. Mais bon, des tongs, même si on est à la cour du Roi de la Montagne, c’est un peu… Ben le mauvais choix de godasses, quoi. Vous vous voyez gravir un pic des Pyrénées avec ça aux pieds, vous ? Bref, le mec sur la jaquette a l’air d’être plein aux as, mais il semble être sacrément radin également pour ne pas se payer une bonne paire de chaussures de randonnée. Pour ce que j’en dis…

O’Neill, il va laisser les musiciens s’exprimer pleinement et il va les encourager à chercher plus loin dans leurs influences pour enrichir leur discours. Une complicité va même naître entre Jon Oliva et lui, ce qui va ouvrir les portes de toutes les démesures avec le temps. Et pour leur galop d’essai, c’est juste un coup de maître. "Hall Of The Mountain King" est l’album d’un SAVATAGE retrouvé, qui ne renie pas son passé le plus primal. On retrouve sur ce disque des riffs assassins, un Jon Oliva qui renoue avec son mordant, son agressivité « naturelle » et une vision bien plus vaste de ce que doit être la musique de SAVATAGE.

Le meilleur exemple réside dans la succession entre "Prelude To Madness" et "Hall Of The Mountain King", qui ouvraient à l’origine la face B de l’album et qui propulsaient le groupe sur orbite, après une première partie où la formation renouait avec un Heavy Metal puissant et racé. Bien sûr, la mélodie de Edvard GRIEG est intemporelle et fédératrice, mais ce qu’en fait SAVATAGE, avec cette tensions sous-jacente, cette espèce de folie palpable (en même temps, tout est dans le titre) est tout simplement irrésistible. Couplé au title-track, on obtient quelque chose de terrible, le genre de morceaux qui marquent au fer rouge. Jon Oliva est en feu et il met le feu avec ses vocalises dont lui seul a le secret. Juste grandiose.

"Hall Of The Mountain King", c’est un véritable tour de force, c’est aussi une résurrection avérée (mais non reconnue par le Vatican bizarrement. Pour une fois qu’ils tiennent un miracle vérifiable…). Alors que de nombreuses autres formations ne se seraient pas relevées de leurs déboires, SAVATAGE se paye le luxe non seulement de sortir la tête hors de l’eau, mais également d’accoucher d’un chef d’œuvre du Heavy Metal, qu’eux-mêmes peineront à égaler par la suite. Un classique à écouter au moins une fois dans sa vie.