Si l’enregistrement "The Dungeons Are Calling" se confond aujourd’hui avec l’album "Sirens", les bonnes grâces des rééditions scellant leur alliance, il convient de rappeler que ledit appel du donjon jouissait, à l’origine, d’une existence propre et indépendante. Habité effectivement de morceaux inédits des sessions de "Sirens" (mythique premier album du génial SAVATAGE), cet Ep s’est depuis accouplé à ce dernier, comme pour mieux restaurer la cohérence originelle d’un même esprit de composition. Car, précisons-le, le SAVATAGE de "The Dungeons Are Calling" est également celui qui grava "Sirens", et c’est donc avec un plaisir trépidant que l’on pouvait s’abreuver d’une nouvelle lampée de ce Metal unique, déjà marqué à l’époque d’un travail important sur les ambiances... et SAVATAGE était alors de ces quelques rares formations qui voyaient l’épaisseur d’un sang noir innerver son ode au Heavy Metal.

À la différence donc de tant d’autres, SAVATAGE trempait ses pinceaux dans les couleurs de l’obscurité, le groupe activant son inspiration sur un versant granulé de Dark Fantasy. Une optique conférant à l’impact visuel de ses titres un rendu cohérent et une prégnance sombre, presque occulte... Et cela se ressentait encore davantage sur "The Dungeons Are Calling" qui, si l’on excepte le très dispensable et décalé "The Whip", accentuait encore la pente savonnée de noir sur laquelle SAVATAGE exécutait ses pas premiers pas brillants avec "Sirens".

Du fabuleux morceau-titre et ses ambiances parlantes, mordues par un riff en acier trempé tout simplement mémorable et appuyé d’opportuns claviers, et jusqu’à l’excellent et presque chaloupé "Midas Knight", en passant par les ondulations de l’accrocheur "By The Grace Of The Witch" et le rapide autant que tournoyant "Visions" aux chœurs bien sentis, SAVATAGE enchaînait ainsi quatre compositions imparables... avant de faire se mouvoir le bois craquelant d’une lourde porte barrée de fer, gardienne d’une pièce antique où reposait deux archives, le précité "The Whip" et l’énorme "City Beneath The Surface", enfermés là depuis le temps du tout premier single du groupe, quand celui-ci se présentait encore sous le nom AVATAR. Le rendu sonore souffre ici d’un équilibre moindre, et la puissance ravageuse et épique de "City Beneath The Surface" s’en trouve quelque peu corrodée (il faut absolument écouter la version Live disponible sur l’inoubliable "Ghost In The Ruins" !), mais c’est là une chance pour le fan de redécouvrir ces deux vestiges, qui s’accompagnent d’ailleurs, sur la réédition actuelle, du troisième morceau complétant ledit single : la ballade "Fighting For Your Love", absente sur l’original de "The Dungeons Are Calling", et qui sera recyclée en "Crying For Your Love" sur le très décrié album "Fight For The Rock".

Que dire que je n’aie encore dit ? Que SAVATAGE apparaissait déjà dans la superbe livrée d’une formation supérieure à la majorité des groupes alors en activité ? Que ce Metal souverain et sombre - emmené par le jeu fabuleux du regretté Christopher "Criss" Oliva et la voix unique de son frère Jon, sorte d’Alice Cooper plus soigné et lyrique, également leader incontesté de la formation aujourd’hui encore - possède des vertus uniques ? Que la simplicité des moyens et la production un peu faible contraignaient alors les groupes à se surpasser en misant tout sur la pertinence des compositions, l’art du riff qui incise, la folie du solo enflammé, et l’exhortation du refrain ? Que jamais plus – exceptés sur l’incontournable "Hall Of The Mountain King" - SAVATAGE n’arborerait cette robe sonore cousue d’atmosphères fantasmagoriques et mystérieuses ? Que ce Ep est indispensable à ceux qui ont aimé "Sirens" ? Oui, tout ça... Et plus encore : SAVATAGE est un groupe aussi génial que mésestimé, et je n’aurai de cesse de le défendre ! Fous des 80’s, amateurs de Metal, ou simplement auditeurs curieux, s’il vous plaît : ne détournez plus vos regards de ces musiciens aussi brillants qu’attachants ! Et filez vite les découvrir ! La galerie des groupes à forte personnalité n’est, tout de même, pas des plus fréquentée.

PS : Une édition spéciale "Silver" a été diffusée en 2002, comprenant trois titres bonus rarissimes, présentés sous forme de démos tout à fait audibles : Le bien Speed et typé 80's "Metalhead", dont le titre parle de lui même (à noter ici un travail assez spectaculaire de Criss), le plus lourd et sombre "Before I Hang" (évoquant un peu les moments les plus noirs de "Streets", voire de "Poets And Madmen") et la très bonne Power ballade quasi épique (à la EUROPE, en moins clinquant) "Stranger In The Dark", dont le final sera d'ailleurs repris sur la coda de "Follow Me", extrait du superbe "Edge Of Thorns"... On oubliera par contre un petit morceau fantôme étranger et franchement anecdotique ! Bref, vous l'avez compris, si vous en avez la possibilité, privilégiez la réédition Silver de "The Dungeons Are Calling", car les bonus valent le détour... Mais la réédition de 1994 reste des plus recommandables !