"Butchered At Birth" est un symbole à plus d'un titre. Il est d'abord le symbole d'un CANNIBAL CORPSE qui choisit définitivement le camp de la surenchère et de la provocation gratuite, visuellement et textuellement. Sans revenir sur la censure que suscita dans certains pays la pochette gorissime – mais cartoonesque – de l'album, cet artwork signé Vince Locke, qui s'installe définitivement comme l'illustrateur attitré des œuvres du groupe américain, tue dès 1991 le game auquel se livrent encore aujourd'hui les combos de Death Metal les plus vils. En trente ans, personne n'a fait plus frappant. Et pourtant, on en a vu des coïts sanguinolents, des éviscérations gerbantes et autres réjouissances… Malgré tout, CANNIBAL CORPSE conserve la palme car cette pochette d'anthologie a quelque chose d'hypnotique. Les couleurs, le contraste, les ombres ? Allez savoir. À moins que ce ne soit l'audace…

Côté paroles, là encore, un palier est franchi avec des titres comme "Meat Hook Sodomy" ("Sodomie au croc de boucher"), "Rancid Amputation" ("Amputation rance") ou "Innards Decay" ("Pourrissement d'entrailles"). Même si le groupe saura faire encore pire (ou mieux, c'est selon), il passe la vitesse supérieure et s'assure d'une corrélation parfaite entre le fond (haha, le """fond"""…) et la forme. Enfin, côté vocaux, Chris Barnes développe enfin ce growl si caractéristique et peu articulé qui le différencie déjà des autres grogneurs du Death, qui conservent une élocution globalement compréhensible pour qui tend l'oreille avec attention. Oui, oui, même John Tardy d'OBITUARY reste alors plus "audible" que ne l'est devenu Barnes. Ainsi, CANNIBAL CORPSE peut désormais se projeter pleinement dans sa propre approche du Death, qui influencera des légions de copieurs plus ou moins inspirés.

Car "Butchered At Birth" est aussi le symbole d'un CANNIBAL CORPSE qui embrasse pleinement le genre en laissant de côté ce qui restait de Thrash Metal SLAYERien dans sa musique - à part sur "Rancid Amputation" et l'accrocheur "Innards Decay", bien soutenus par l'invariabilité du jeu encore sommaire de Paul Mazurkiewicz - pour s'abandonner aux graves, à l'atonalité et au rythme d'un Death Metal brutal et martelé qui s'avérera inspirant pour la scène Slam. Le groove, CANNIBAL CORPSE le porte dans sa musique et un "Covered With Sores" au riff addictif le révèle pleinement. La plupart des titres sont désormais plus longs et laissent au groupe l'opportunité d'installer son atmosphère poisseuse et oppressante. Seulement, si l'on décèle quelques bons riffs sur certains morceaux incontournables ("Meat Hook Sodomy" et son entame distordue, "Gutted" et ses accélérations mortelles, "Under The Rotted Flesh" et ses ralentissements propices au headbanging), un bon tiers des compos restent en-dessous du standard qu'établira le groupe par la suite.