Eh bien, on pensait avoir tout vu en matière d'artwork Death Metal mais la pochette de "Mortal", dernier-né de cet irrésistible trio qu'est NECROT, se pose là en matière d'originalité et de malaise. Et encore, question malaise, si l'illustration signée Marald Van Haasteren, connu pour ses travaux plus délicats sur les albums de BARONESS et déjà auteur de la vintage mais troublante œuvre ornant le premier L.P. du combo, "Blood Offerings", n'était pas dessinée dans un style si Pulp, elle serait encore plus malaisante. Ces types qui viennent de s'offrir un auto-écorchement intégral et s'apprêtent à jeter leur propre peau en offrande à je ne sais quel dieu ou démon sont pour le moins dérangeants.

Ils ont presque plus d'impact que la musique, de prime abord, et c'est aussi la raison pour laquelle j'accorde à cette pochette l'introduction de cette chronique. Parce que sinon, comment écrire sur un disque aussi direct et d'une évidence aussi franche que "Mortal" ? Le deuxième album de NECROT est une telle ode aux modèles de composition hérités des débuts du Death Metal et respire tellement l'esprit Old School que tout ce qui pourrait être dit sur lui a déjà été dit, en réalité. Sauf qu'il a été dit à propos d'autres albums. Non pas que le trio établi aux États-Unis copie, non. Son style entier est un hommage à une époque où même un morceau de Death Metal se composait au lieu d'être décomposé comme tant de groupes savent plus où moins bien le faire aujourd'hui.

Parce que NECROT ne part jamais dans plusieurs directions à la fois. Il suit une ligne, sans coup férir. Une ligne qui le mène de la première à la dernière note de chaque titre avec pour guide principal le sens du riff. Straight to the point. Ce que le Death Metal a hérité du Thrash, les trois Californiens (dont deux d'adoption) n'ont jamais cessé de le chérir, de le préserver et de le magnifier. Rien que "Stench Of Decay", hyper spontané, suffit à s'en rendre compte. "Mortal" est une célébration d'une époque révolue mais sans nostalgie, en réalité. Ce Death Metal à l'ancienne, riche en groove, qu'auraient pu proposer AUTOPSY ou GRAVE, voire BOLT THROWER sur les passages les plus mid-tempo, qui sont ici fréquents, n'est jamais plus vivant qu'aujourd'hui, régurgité par les amplis des trois musiciens.

Plus que certains groupes obnubilés par l'héritage des fondateurs du genre mais sans se l'approprier réellement, NECROT jette un pont entre la fin des années 80/début des années 90 et cette fin de décennie 2010 propice à l'exacerbation des fondamentaux Death Metal. Lorsque l'on écoute la musique des trois chevelus de la Bay Area, on n'a pas le sentiment que près de trente ans se sont écoulés dans l'intervalle. Et des morceaux tels que "Your Hell" et "Dying Life", très efficaces et in your face, jusqu'au plus dispensable "Malevolent Intentions", entretiennent cette impression que le temps a suspendu son cours. La reverb sur les guitares de Sonny Reinhardt et sur les superbes et très expressifs growls de Luca Indrio renforcent d'ailleurs cet aspect Old School.

Toutefois, aussi immédiat soit-il, le Death Metal de NECROT sur "Mortal" n'est plus aussi instantané dans son appréciation qu'il ne l'était sur "Blood Offerings". En tout cas, pas sur tous les titres. Pourquoi ? Parce que le trio a quelque peu complexifié sa recette, avec davantage de sous-parties dans ses divers morceaux. Il suffit d'écouter "Sinister Will" pour le constater : voici un titre qui, du haut de ses six minutes et seize secondes, est indéniablement plus ambitieux que ce que propose NECROT quand il reste cantonné sous les cinq minutes. En multipliant les ambiances au-delà de son thème principal, avec force leads de guitare et passages plus lourds, il s'impose en titre-phare de l'album.

Un modèle que les trois zicos savent développer de diverses façons. Ainsi, sur "Asleep Forever", qui dépasse également le seuil des cinq minutes, NECROT assaisonne là encore plus finement son Death, à coups de soli bien Heavy de la part de Reinhardt. Ces deux compositions font cependant pâle figure, en termes d'ambition, face au morceau-titre, "Mortal", qui développe en quelque 8'30 bien plus d'arguments pour asseoir la domination du combo sur le Revival Old School Death Metal (OSDM). Son tempo moyen, écrasant, offre un plein espace d'expression aux vocaux incantatoires d'Indrio, et permet à la formation de dévoiler un côté Doom fort bienvenu, qu'on ne lui soupçonnait pas mais qui colle totalement à l'imagerie sombre et surannée dont le groupe fait usage.

Comme souvent après un premier album réussi et acclamé, les critiques attendaient ce deuxième opus de NECROT le couteau entre les dents, prêts à tailler dans le vif au moindre signe de repos du trio sur ses lauriers. Faire la peau à l'un des jeunes loups les plus voraces de la scène OSDM en aurait forcément ravi plus d'un. Or, si le disque reste fidèle à l'identité sonore qu'endossait déjà le groupe sur "Blood Offerings", il va tout de même plus loin et n'hésite pas à afficher des facettes plus diverses qu'attendu. Et sans provoquer le même choc qu'ils n'en avaient provoqué sur leur premier L.P., les Californiens ont relevé le gant haut la main et ce sont eux qui ont eu la peau des médisants.