En 1990, ADX a lâché l’éponge, faute d’avoir pu se lancer dans une carrière à la mesure de son talent- la faute à la signature chez un label foireux, et, surtout, à la malédiction qui pèse sur le Metal français depuis le début. Mais le combo ne fera pas attendre son monde bien longtemps et sera le premier groupe français à rassembler le courage de se relever et de refaire de la musique dans un contexte bien changé.

La question, alors, c’est : cet album aura-t-il été, musicalement, comme pour la carrière en général du groupe, à l’image de sa couverture- un vulgaire fantôme décharné, une ombre du passé revenant juste hanter un peu l’esprit des anciens qui se souviennent, avant de retourner reposer dans sa tombe inconnue ? ADX, un retour discret dans la nuit et sous la pleine lune, ou sous les spots et dans la gloire ?

Déjà le groupe ne ressort pas indemne de sa séparation. Exit l’un des deux gratteux historiques (qui reviendra pour la deuxième reformation alors qu’au contraire celui qui reste sur cet album se séparera définitivement du combo), remplacé par un certain Louis XV qui, s’il a fait partie de formations plus obscures aujourd’hui comme ANGEL KILLER et SCHERZO, ne participera qu’à cet album, décrié, avec les ADX.

Quel est alors l’enjeu pour le groupe ? Ils ne visent sans doute pas très haut, et n’ont peut-être plus la hargne qu’ils avaient encore au début de la même décennie, et on ne sait pas trop s’ils jouent pour se faire plaisir ou s’ils cherchent tout de même à prouver qu’ils avaient bien un truc à eux en sortant des chansons du niveau de leur répertoire classique. Un indice peut-être dans le choix des noms : « Résurrection », la chanson et l’album, « De l’autre côté »… ils ont gouté la tombe et au moins ils sont contents d’en être revenus.

Est-ce que le fan d’ADX est facile à contenter en 98 ? Dans le désert du Heavy français du moment, un nouvel album est certainement le bienvenu. Et chanté en français en plus ! Remis dans les rails après avoir malheureusement cédé à l’injonction de leur label et enregistré "Weird Visions" en anglais. Bon, l’album semble avoir fait un bide critique à sa sortie, et a même été lâché par les fans. Pourtant on sent que le groupe a alors eu l’honnêteté de ne pas faire comme si rien ne s’était passé et n’a pas essayé de faire du vieux pour faire du vieux. Ces morceaux ont beau changer très sensiblement, ils ont l’intérêt de donner un peu de fraîcheur au groupe qui s’essaye dans un autre registre et y parvient avec beaucoup de spontanéité.

Déjà ce son : surprise, les compos sont tout simplement groovy. La basse est bien en avant sur un son par ailleurs plutôt rêche, exhalant ainsi des rythmiques bien dynamiques- même si on est plus du tout dans du Speed metal, même quand on augmente les tempos. Écoutez juste "Sniper", ça fait pâle figure à côté de n’importe quelle vieillerie (au hasard "Déesse Du Crime" puisqu’il faut donner un exemple), mais ça sautille de partout avec ses couplets beuglés en écho et c’est juste impossible de bouder son plaisir !

L’album dans son ensemble est donc très engageant et si sympathique qu’on se glisse sans réticence dans cette nouvelle peau d’ADX, qui garde son énergie et son inspiration, même s’il le tout est plus cool. Dès les premiers riffs et refrain de "Résistance" on a un matos qu’on reconnait directement comme solide, qui fournit son quorum de riffs accrocheurs et de paroles à scander. En parlant de scander, essayez de résister au refrain du morceau-titre, qui s’écoute obligatoirement poings serrés… même si le groupe semble parfois abuser du refrain scandé. "De l’Autre Côté" se démarque aussi avec son refrain qui résonne, de la même manière, avec une grande acuité avec l’histoire du groupe ; ce titre était d’ailleurs encore récemment utilisé lors des prestations live de la troupe.

Par contre le groupe a perdu, ce qui ne dépend hélas pas des choix de composition, la voix si… speed, de son chanteur, qui est contraint d’adopter une voix de fausset qui est loin d’être désagréable mais qui ne porte plus la même force, à tel point qu’on se demande parfois si l’album n’est pas si généralement lascif rien que pour éviter que Phil ne puisse pas se détacher sur des riffs trop costauds. A noter un détail marrant, sur le très calme "Jeux De Chair" pourvu d’ailleurs d’une bonne instru très subtile, Phil sonne parfois pas loin d’un Johnny… C’est donc assez tristounet d’envisager l’album de ce côté-là, heureusement que ses autres qualités le sauvent d’une ambiance trop larmoyante, même si les compos font définitivement place à la mélancolie plus qu’à l’excitation.

Dernière remarque, la version réenregistrée de "Marquis Du Mal" en dernière piste. Pourquoi ce classique plus qu’un autre ? Je ne sais, mais l’exercice n’était pas forcément utile- le réenregistrement complet de "La Terreur" en 2010 a bien plus fait honneur à ces morceaux, en leur raccrochant bien leurs propres burnes, plutôt que, comme c’est le cas ici, leur donner le son mignon du moment qui ne reflète pas vraiment le caractère initial de la composition.

"Résurrection" est donc un album surprenant auquel la carrière passée du groupe ne préparait pas, mais auquel il faut vraiment donner sa chance, vu son côté bien plus "vrai" que le dernier opus en date, qui lui par contre sonne comme une tentative maladroite de retour aux sources.

Un 3/5 qui lorgne langoureusement du côté du 4.