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EDGUY - Kingdom Of Madness (1997)
Par GEGERS le 28 Mai 2014          Consultée 7802 fois

Entre l'amateurisme adolescent de la démo "Savage Poetry" (dont le réenregistrement en 2000 constitue étonnamment l'une des meilleures sorties du groupe) et le professionnalisme évident de "Vain Glory Opera", il y a un monde : "Kingdom Of Madness", le premier album d'EDGUY. À force de travail, le quartet se voit récompensé par la signature d'un contrat avec la maison de disques AFM, qui a le nez creux en décelant le potentiel du groupe allemand. Un pari osé, car si d'évidents signes de talent sont déjà bien présents, Tobias Sammet et ses acolytes proposent tout naturellement un premier opus riche en approximations et en faiblesses, loin des canons de qualité auquel nous habituera le groupe par la suite.

L'album, si l'on en croit les crédits indiqués dans le livret, est une affaire de groupe. Tobias co-signe en effet la plupart des morceaux avec son acolytes Jens Ludwig, dont les talents de guitariste sont déjà remarquables, et l'éphémère batteur Dominik Storch met lui-aussi la main à la pâte en participant à la création du titre "Steel Church". Il est évident, néanmoins, que Tobias Sammet est déjà l'unique maître à penser au sein du groupe, qui semble voué à porter sa vision du monde, libertaire, anti-conformiste, usant de thèmes et métaphores liées à l'imagerie médiévale et fantasy pour mieux critiquer la bien-bien-pensance de nos sociétés contemporaines. Cette critique passe par une explosion de sentiments exacerbés, dont l'expression est à l'origine du titre de l'album (le fameux "Royaume de la Folie").

Si l'identité du groupe est en place, l'ensemble reste néanmoins bancal. Le son de batterie, sec au possible, se fait bien vite agaçant. Dommage, car il ne parvient pas à refléter le talent d'un cogneur de fûts pourtant fort compétent, en atteste un sympathique solo sur le titre-fleuve "The Kingdom". De même, la voix post-pubère de Tobias Sammet, encore fragile, loin des envolées lyriques qui suivront, se fait trop hésitante et changeante pour convaincre pleinement. Il y a pourtant de l'audace et de la fougue sur cet album. Pas tellement sur le titre d'ouverture, "Paradise", sauvé par un refrain flamboyant, mais bien plus sur l'énergique "Wings Of A Dream". Un riff aux allures de joyau, des paroles totalement schizophrènes décrivant notamment l'amour zoophile d'un noble avec le chien de sa dulcinée, et voici qu'EDGUY tient une véritable pépite Speed Metal, qui sera d'ailleurs le seul morceau de l'album à connaître la postérité, superbement immortalisé dans sa version en public sur le Live "Burning Down The Opera".

Par ailleurs, le groupe se cherche encore. Quelques belles lignes de guitare viennent habiller le peu marquant "Heart Of Twilight", tandis que de discrètes orchestrations permettent à "Dark Symphony", court titre instrumental, de constituer un sympathique préambule à l'agressif "Deadmaker", dont les guitares, au son brut, comme capté directement sur les amplis, offrent à ce mid-tempo pachydermique une ambiance inquiétante. L'ensemble sonne un peu comme une version de travail, embryonnaire, du bien plus convaincant "Out Of Control" ("Vain Glory Opera"). Force est de reconnaître, néanmoins, qu'avant les sirupeux "Save Me" ou "Thorn Without a Rose", EDGUY était un groupe qui savait y faire en matière de ballades poignantes : "When A Hero Cries", sucrerie piano-voix à la mélodie splendide, se fait l'avatar de cette capacité de Tobias Sammet à proposer des titres à la fois tendres et torturés, desquels transparaît une délectable sincérité. Le témoignage d'une époque révolue. Après le très speed "Steel Church", autre bon moment à mettre au crédit de l'album proche des ambiances de la demo "Children Of Steel", en plus abouti, "Kingdom Of Madness" s'achève sur le long "The Kingdom" (18 minutes au compteur tout de même). De ce titre à tiroirs, qui se base sur des thématiques moyenâgeuses (notamment l'Inquisition) pour dénoncer l'intolérance de notre société contemporaine, on retient essentiellement cette capacité à savoir se faire tour à tour subtil et léger (les deux premières minutes) puis grandiloquent et épique, réussissant à construire une symphonie. Même si l'on reste loin de la majesté d'un "The Pharaoh", voici qui pose les bases d'un groupe compétent et inspiré, qui sous l'impulsion de son leader semble prêt à constituer la nouvelle garde de la scène Speed Mélodique.

À l'exception notable de "Wings Of A Dream", "Kingdom Of Madness" n'a pas survécu au passage du temps, handicapé par quelques erreurs de jeunesse qui empêchent de prendre la pleine mesure de morceaux pourtant prometteurs. Si la suite est bien plus marquante, ce premier album d'EDGUY reste néanmoins un sympathique témoignage pour les amateurs désireux de découvrir les racines d'une des plus grandes réussites musicales que les années 90 ont enfanté.

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   (2 chroniques)



- Tobias Sammet (chant, basse)
- Jens Ludwig (guitare)
- Dirk Sauer (guitare)
- Dominik Storch (batterie)


1. Paradise
2. Wings Of A Dream
3. Heart Of Twilight
4. Dark Symphony
5. Deadmaker
6. Angel Rebellion
7. When A Hero Cries
8. Steel Church
9. The Kingdom



             



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