C’est une histoire malheureusement classique… Passé 1986, le soufflé retombe aussi vite que la vague Hard français avait débarqué. Avec le chant du cygne de SORTILÈGE, les vies qui prennent le dessus, et les ennuis personnels, quasi toute la fine fleur du Hard/Heavy français périclite. Concernant les Grenoblois de NIGHTMARE, ça commence par le départ de Jean-Marie Boix, qui avait amélioré le niveau au poste de chanteur sur "Power Of The Universe". Là où ça tombe mal, c’est que ça coïncide avec le départ d’Ebony Records également. Et là, comme ce sera le cas quelques années plus tard pour LONEWOLF, le nouveau partenaire des disciples d’Yves Campion n’est pas dans une situation financière stable, et l’arrivée du chanteur de PRAYING MANTIS n’arrange pas les choses, NIGHTMARE se trouvant confronté aux célèbres divergences musicales, il se sépare en 1988 et fâché de surcroît.

C’est malheureusement le destin funeste de Jean-Marie qui va réveiller les Grenoblois, à l’image des nouvelles paroles de "The Legend" qui lui sont dédiées. NIGHTMARE ressert les rangs pour rendre hommage à son défunt chanteur, mais plus que ça, renaît de ses cendres, moyennant un changement de personnel, ou plutôt, une réaffectation, qui va changer le cours de son histoire ; Jo Amore a lâché les baguettes, et prend la place vacante au micro, pendant que son jeune frère s'installe derrière les fûts. Ce qui deviendra "Astral Deliverance" a tout d’un « labour of love » comme aiment dire les Anglais. Au menu, la reprise de "The Legend" époustouflante avec ses nouvelles paroles, et un Jo Amore surpuissant, absolument surprenant de maestria. Comment ce mec avait-il pu rester bloqué derrière une batterie ? Il est de toute évidence un bien meilleur vocaliste, et son frangin un bien meilleur batteur.

Le niveau technique de NIGHTMARE sur cet EP est d’ailleurs pour le moins effarant, Yves Campion lui-même se permettant quelques incartades le long du manche pas si habituelles. Pour la paire Strippoli/Dominicis, c’est la fête et ils montrent clairement qu’ils n’ont pas lâché leur instrument pendant tout ce hiatus. Mettre cette nouvelle version de "The Legend" à côté de son ancêtre de 1984 est cruel, tant c’est le jour et la nuit ! Idem pour "Princess Of The Rising Sun".
Mais NIGHTMARE ne s’est pas contenté de réagencer des paroles et réenregistrer des vieux titres ; il faudrait aussi évoquer l’hommage (plutôt très clair) de la pochette où Jean-Marie Boix apparaît au milieu des nuages, comme s’il veillait sur ses anciens compagnons d’armes. Avec un son époustouflant (qu’étrangement il ne retrouvera pas sur l’emblématique "Cosmovision" qui va suivre), les nouvelles compositions tirent sans peine leur épingle du jeu, entre "Heart Of Fire" au refrain canon, et ce "Howlers Of Insanity" avec ses chœurs scandés du meilleur effet, en partie assurés par Patrick Liotard, qui sera dans les prochaines années un collaborateur de premier choix pour Jo Amore.

"Astral Deliverance" est l’allumette, le fétu de paille qui va déclencher l’arrivée de NIGHTMARE au premier plan de la scène Metal française, entérinant cette résurrection avec le premier double Live sorti par un groupe de Metal français l’année suivante : "Live Deliverance", capté un mois après la sortie de cet EP essentiel pour aborder le NIGHTMARE des quinze années à venir.