Il y a une répulsion généralisée des best of chez les fans finis de certains groupes, car selon eux, ces compils ne représentent pas du tout l’essence de leur fascination. Et ceux qui les considèrent « pas mal », ces best of, trouvent toujours le moyen d’identifier deux ou trois oublis dans le listing. De gros trous, des claques dans le visage de la logique, des titres manquants qui les empêcheront d’investir sagement leurs deniers durement gagnés. Ils seront parfois prêts à se farcir la disco par principe, quitte à dépenser follement, et goûter à l’entier, pas à une fraction.

Ce jour-là, j’allais acheter des disques. Vous savez, avec ce sentiment de hâte et d’envie irrépressible de découvrir LA perle de votre collection à venir. Même si elle est déjà constellée de merveilles, s’entend… Je me gare devant l’étalage Metal peu garni – c’est ça les régions au Québec - et je fouine. J’empoigne le dernier KALMAH, le live de BLOODBATH et, rendu dans les « V », je vois cette pochette superbe de VADER, un groupe que je ne connais que d’Eve, pas d’Adam (aujourd'hui c'est différent). Je savais instinctivement deux choses : que c’était un nouvel opus et que je connaissais le batteur, Daray, membre du combo polonais de Black Sympho VESANIA. Niet pour le reste. Je vais donc voir le vendeur, un mangeur de Metal, et tout en faisant sa paperasse, il m’assure que cette galette est gravée de nouvelles chansons, toutes originales. Wow, me dis-je. Un double CD de matériel inédit, allons-y! De retour au bureau, je me rends vite compte que le listing m’est familier et que le vendeur s’était mis le pied dans la bouche. Ce double disque est un best of, bordel! Floué me sens-je. Mais après une dizaine d'écoutes, le constat n’en est pas un d’échec; mes oreilles et ma raison ont fait résonner le marteau de la Justice et absous VADER du cliché du best of bâclé et déficient.

Les death métalleux polonais de VADER ne festoient pas seulement leur 25e anniversaire de rébellion et d’érection d’un "nouveau monde" avec "XXV", ils offrent 24 titres réenregistrés, remis à jour. Ce faisant, que les morceaux soient tirés de la première démo du groupe, "Necrolust" paru en 1989, ou de leur avant-dernier album studio, "The Beast" (2004), ça sonne comme un immeuble de briques en 2008. La production est démesurée et rappelle évidemment leur dernier effort, "Impressions In Blood".

La technique est en fait ce qu’on retient après s’être envoyé ces riffs acérés et cette basse vrombissante durant près de deux heures. Ça et les effets ajoutés par VADER – avec le concours de différents invités - sur certains titres qui datent un peu. Le meilleur exemple est l’excellente "Reborn In Flames", rideau sur "De Profoundis" (1995) : l’intro originale d’une cinquantaine de secondes a été sublimée d’orchestrations et une ligne apocalyptique de clavier sous-tend l’ensemble. Une cure de rajeunissement archi travaillée qui n’empêche toutefois pas de reconnaître la chair ridée qui se cache sous ce masque de grandeur. Les fans du vieux VADER n’apprécieront peut-être pas, soit. Mais si on multiplie ce procédé par vingt, on tient un truc énorme, une avalanche de titres qui survivront encore 25 ans avec un peu de chance…

Autre innovation, s’il elle en est une : la voix de Peter, un des chanteurs Death les plus marquants de sa génération. Le Peter d’aujourd’hui a les cordes vocales grasses et noires d’un yacht piqué aux amphétamines. Oui, mes amis, un buffle dévastateur qui dévale les collines polonaises pour entrer sauvagement dans votre salle d’écoute. Ce mec est une brute et se colle ainsi parfaitement à la lourdeur du son "vaderien". Son, je le répète, cristallin sur toute la ligne et sans pitié pour les néophytes tympans.

Et un best of étant ce qu’il est, on dénombre quantité de joyaux sur ce double. Des mitrailleurs "Vicious Circle", "Carnal" ou "Cold Demons", aux plus pompeux "Reign-Carrion", "Black To The Blind" ou "Dark Transmission", aux préférés "Silent Empire", "Blood Of Kingu", "Wings" et "Xeper", on voyage à travers des airs tranchants et uniques. Des ambiances malsaines qui découlent essentiellement des agissements tyranniques des dirigeants du centre de l’Europe, de l'oppression déguisée du clergé, de souvenirs de grandeur évanouie qui s’effritent ou de contes démoniaques issus de l’imaginaire foisonnant de Peter, maître à penser de VADER, et ses collaborateurs.

Les 24 baffes remixées assénées, le groupe en rajoute avec deux pièces interprétées en polonais : "Wyrocznia" du groupe KAT (le SLAYER de la Pologne) et "Tyrani Piekiel" ("Tyrants Of Hell"), un de leurs premiers hits.

Immense, ce best of, vous dis-je, immense. La Pologne a son roi du Death depuis la chute du Mur, n’en déplaise aux BELPHEGOR, BEHEMOTH et DECAPITATED. Groupe emblématique, VADER a soufflé avec force sur ses 25 bougies grâce à "XXV". Il s’est réinventé en évitant habilement de se caricaturer. (Une bonne nouvelle, surtout avec le récent grand ménage effectué par Peter dans ses troupes : Mauser, Novy et Daray ont tous foutu le camp. De là l’importance d’être fort pour continuer la destruction massive…)

Après tout, le vendeur avait raison : ce sont probablement de nouveaux titres que l’on retrouve sur cet album. VADER échappe aux stéréotypes et se transforme en caméléon pour se soustraire aux critiques des anti-best of de ce grouillant monde.

*Morceaux qui tuent : "Reborn In Flames", "Blood Of Kingu", "Xeper" et "Dark Transmission".