A l’instar de mes collègues Kol et Fenryl, j’étais adolescent à la sortie des deux "Use Your Illusion", mais j’étais encore plus fauché qu’eux puisque je n’avais pas les moyens de me payer l’un ou l’autre de ces disques (mes parents avaient une notion simple de l’argent de poche : cela n’existe pas). Soit. Heureusement, un gamin du collège avait de la thune, lui, et de quoi s’offrir les deux et il acceptait bien volontiers de copier sur cassette les albums pour peu qu’on lui demande gentiment. Et comme il n’était pas dégueu comme type, il complétait les blancs avec des morceaux de "Lies". J’ai donc pu découvrir les deux volets à ma guise et une préférence s’est vite faite.

En 1991, les GUNS sont des stars. Après avoir assis le monde entier avec cette pièce maîtresse qu’est "Appetite For Destruction", nous avons pu voir le groupe au complet dans "l’Inspecteur Harry est la Dernière Cible", qui se tenait toutefois à une distance respectable de Clint Eastwood qui ne devait pas forcément apprécier le look ou la musique joué. Et il est assez facile de l’imaginer grommeler un « do you feel lucky, punk ? » chaque fois qu’il croisait un membre aux toilettes. Puis il y a eu "Lies", le faux vrai album mais en fait ce sont deux EP qu’on vend au prix d’un album même si ce n’est pas vraiment un album, ce qui, pour le coup, est moyennement Rock’N’Roll.

Bref, les GUNS ont évolué en tant que musiciens et d’individualités. Axl est devenu une tête de con, Steven Adler quitte la groupe, remplacé par Matt Sorum qui n’aura pas ce style un peu fou, trop carré et académique à mon sens pour l’explosion Rock’N’Roll que l’on attend du groupe, mais qui a tout à fait sa place dans la nouvelle musique proposée. La spontanéité de 1987 a disparu en grande partie, remplacée par une certaine sophistication dans le style. Bien entendu, il y a toujours des brûlots qui font bien mal aux fesses quand ils passent ("Right Next Doors To Hell", par exemple). Certains morceaux sont très courts, d’autres prennent leur temps pour se construire et on atteint très vite 76 minutes au compteur. Ce qui est un peu long.

Heureusement, le propos est suffisamment varié pour que nous puissions trouver notre compte tout du long même si certains titres font clairement office de remplissage ("You Ain’t The First", "Bad Apples"…). En revanche, certains partis pris sont plutôt audacieux, comme ce "Dust’N’Bones" totalement inattendu qui vient changer la donne directement après l’opener qui se glissait dans la continuité de ce qui avait été fait en 1987. Encore une fois, on remarque que Stradlin est très impliqué dans l’écriture, véritable force motrice pour le groupe. "Don’t Cry" porte clairement sa patte et le morceau est franchement bien fichu.

Puis ça et là commencent à pointer des ovnis. Il y a "November Rain", bien entendu, excellente power ballad qui mérite à elle seule l’achat de ce disque. Puis "The Garden", sur lequel Alice Cooper apparait en guest, "Coma" qui contient d’excellentes parties de guitare signées SLASH… On peut rester de marbre face à la reprise de Paulo, mais personnellement, j’ai toujours adoré le riff de "Live And Let Die" et avec la gouaille d’Axl, ça le fait totalement pour moi. Et donc il y a cette variété qui permet au disque de tenir sur la durée. Je ne suis absolument pas certain qu’un album de cette longueur qui serait calqué sur le style d’"Appetite" aurait été digeste.

Alors oui, la spontanéité n’est plus la même, mais il y a toujours un aspect bien Rock’N’Roll même si la musique se veut bien plus sophistiquée et propre. "Use Your Illusion I" n’est pas exempt de défauts, mais il tient plutôt bien la route. Le genre de disque que je passe volontiers en voiture pour de longs trajets et à chaque fois ma fille de quatre ans me dit « ça c’est une bonne chanson papa ! » quand passe "Dust’N’Bones", m’arrachant forcément un sourire. C’est vrai que c’est une bonne chanson.