Deux ans après un "Skydancer" un brin bancal mais gorgé de promesses pour le futur, les pères fondateurs du Death Mélodique nous reviennent avec cet essai sophomore, et l’énergie d’en découdre avec la concurrence. Il se passe quelque chose d’assez incroyable à Göteborg dans les années 90, les combos se tirant la bourre dans une émulation positive, poussant chacun à se surpasser, sortie après sortie. A ce titre, l’année 1995 est bénie des dieux du Valhalla, puisqu’elle ne correspond ni plus ni moins qu’à la sortie conjuguée de deux pièces de choix, aujourd’hui encore vénérées par les aficionados : "Slaughter Of The Soul" d’AT THE GATES et, donc, "The Gallery" de DARK TRANQUILLITY. "The Jester Race" (IN FLAMES) verra lui le jour un an plus tard.

C’est dans ce contexte que la bande de Mikael Stanne, succédant à Anders Friden (parti quant à lui chez IN FLAMES) derrière le micro, sort des studios de la légende Fredrik Nordström avec un nouvel opus beau comme un sou neuf, porté par une production enfin au niveau des prédispositions entre-aperçues deux ans plus tôt, même si le rendu manque encore quelque peu de puissance à mon goût. Et c’est bien la combinaison de ces deux facteurs qui permettent au groupe d’exprimer son plein potentiel pour la première fois.

"The Gallery" affine le trait de l’esquisse précédemment tracée, lui offrant un écrin à-même de rendre grâce à ces chansons agressives et léchées, à la construction élaborée. Car, oui, il n’est pas besoin d’écrire des morceaux de 8 minutes pour cela, ce disque en est la plus éclatante démonstration. En 4 minutes, DARK TRANQUILLITY sait surprendre, transporter, secouer, toucher. La sophistication des compositions est donc à saluer, même si elle peut encore parfois nuire quelque peu à la profondeur des émotions que les Suédois parviendront à nous transmettre ultérieurement au long de leur riche discographie. Gageons que cette petite réserve sera rapidement corrigée, dès la sortie de "The Mind’s Eye" en 1997.

Si le chant de Stanne n’est pas encore au niveau de celui qu’il atteindra par la suite, restant dans un registre convenu, sa prise de pouvoir apporte déjà de la nuance, avec ce timbre à mi-chemin entre le Death et le Black. Les voix féminines, un poil trop en avant sur "Skydancer", sont toujours présentes (sur le title-track et la classieuse "…Of Melancholy Burning"), mais bien plus ponctuelles, s’avérant moins indispensables du fait de la présence du maestro. L’autre grand monsieur est à mon sens Martin Henriksson qui officie alors à la basse, nous présentant des lignes racées apportant cette mélancolie si caractéristique du groupe. Allié à un riffing féroce, quoiqu’un peu sec, l’ensemble est tout le plus souvent imparable ("Punish My Heaven").

Et puis... Et puis… Et puis, il y a "Lethe", magistrale pièce emblématique de cette musique si particulière. Figurant encore aujourd’hui parmi mes morceaux préférés de la formation, cette chanson vous emporte dans une autre dimension, sombre valse concentrant l’identité de DARK TRANQUILLITY, monument à part dans le monde du Metal. D’une élégance folle, "Lethe" (l’oubli, en Grec ancien) touche l’âme dans une forme de prémisse d’un avenir qui s’annonce glorieux.

Note réelle : 3,5/5.