"Anno 1696" m’a fait l’effet d’une bombe lors de sa sortie, début 2023. Sortir un tel bijou après vingt ans d’existence relève de l’exploit, et je pèse mes mots. Puisant son inspiration dans l’histoire scandinave d’une année maudite, frappée par le sort et la maladie, l’opus se révélait une aventure totale à travers le froid et les légendes nordiques, s’offrant d’intenses moments d’actions contrebalancés par des passages plus contemplatifs, des transitions épiques et des répits à peine réconfortants. Une réussite absolue, qui résonne encore plusieurs mois après sa sortie. Comme INSOMNIUM fut touché par la grâce à cette occasion, les Finlandais en avaient gardé sous le pied puisqu’ils nous ressortent quelques titres oubliés lors de la finalisation de la tracklist de leur dernier effort et nous proposent cet EP en guise de bonus.

"Songs Of The Dusk" vient donc nous replonger dans cet univers fantasmagorique le temps de trois chansons seulement (mais 22 minutes au compteur malgré tout), qui partagent la narration inspirée de leurs aînées, pour notre plus grand plaisir. L’automne constitue de plus la saison idéale pour se délecter de ce Death Mélodique racé, que l’on compare souvent à celui de DARK TRANQUILLITY pour sa grande mélodicité. Si certaines fournées plus anciennes ont pu souffrir quelque peu d’un manque de mordant, ce n’était ni le cas de "Anno 1696", ni de ce format court, qui creuse le sillon tracé avec succès un peu plus tôt.

Il y a des sorties sur lesquelles nos plumes peuvent se laisser aller aux calembours vaseux, aux effets de manche d’un autre temps, à une écriture plus directe et "parlée". Et il y a les albums qui concentrent tellement de substance et d’émotions que l’on ne saurait vouloir en atténuer la portée par pur égocentrisme ou fierté mal placée. "Songs Of The Dusk" fait partie de cette catégorie. Il transporte à travers le temps, au-delà de l’horizon bétonné de nos environnements modernes, urbanisés et standardisés. Par la magie d’une mélodie, d’un chant qui vient de la gorge mais aussi des tripes, d’un subtil arrangement harmonisé au clavier, d’une frappe lourde et sincère sur des peaux tendues, d’une irruption de tonalités acoustiques inspirées, d’une reprise de motif inattendue, INSOMNIUM en fait une nouvelle démonstration éclatante.

Il faut laisser parler la musique, car c’est elle qui décrira le mieux le raffinement de "Flowers Of The Night", la puissance dévastatrice de "Stained In Red", la sophistication du titre quasi-éponyme, longue épopée de près de dix minutes aux motifs entêtants et tellement mélancoliques. Loin de rassembler des chutes de studio, "Songs Of The Dusk" prolonge l’expérience "Anno 1696" de façon magistrale. Aucun des morceaux ici présents n’aurait dépareillé de quelque façon que ce soit sur le précédent LP, qui parvient de surcroit, en seulement trois pistes, à rassembler les différentes facettes de ce monument qu’est INSOMNIUM : la finesse, l’excellence dans l’exécution, l’agressivité parfaitement dosée mais bien présente, l’incroyable mélodicité et, malgré tout, ce sentiment de simplicité désarmant.

"We roam the twilight, we roam the night", nous bouscule Niilo d’une voix crépusculaire, avant que Jani ne nous offre enfin ce chant clair en toute fin d’opus, brin de lumière vacillante dans l’obscurité croissante, gagnant inlassablement du terrain, mettant ainsi fin à l’absurde environnement qui nous est conté. Il offre ainsi une conclusion en forme de libération, à travers une nuit glaciale mais ô combien réconfortante pour l’auditeur. "No scorn or greed here, no swords or gallows, no leash around my neck, no whips to tear my flesh".

Note réelle : 4,5/5.