CANNIBAL CORPSE n’a certainement pas inventé la scie à os, ni même le marteau à attendrir les steaks. Non, c’est plutôt un boucher qui fournit un travail honnête, mais ce n’est pas celui vers lequel on se tournera forcément pour avoir de belles pièces parées. Parce que la découpe est parfois un peu grossière, parce que le morceau de viande n’a pas été correctement dénervé ou parce que son pâté en croute est vendu sans croute. Le fait qu’il s’approvisionne à la morgue laisse parfois planer un léger doute quant à la fraîcheur de la viande et la gelée produite en ébouillantant les os laisse une odeur fétide.

Chez les goules, il offre cependant un festin de roi. C’est plus facile de s’approvisionner chez CANNIBOULE plutôt que de hanter les cimetières en espérant que le défunt ne se soit pas fait incinérer (ce qui, rappelons-le, provoque un déclin de la population goule. Et vous croyez que l’Etat bougerait ne serait-ce que le petit doigt pour remédier à cela ?). Et surtout, la qualité est toujours assez stable. En même temps, il n’y a pas beaucoup de variation dans la barbaque proposée. Comme le bourbon MOTÖRHEADien où les filles faciles AC/DCiennes, on sait vers quoi nous allons.

Bien entendu, il y a certaines bêtes qui laissent une viande de meilleure qualité ("Gallery Of Suicide"), ou au contraire, déjà trop faisandée ("Gore Obsessed"), cela dépend de l’achalandage et des commis qui officient dessus. Ténia dans le boyau, il y a un MOD qui officie sur "Chaos Horrific". Le même qui avait permis à CANNIBOULE de ne pas perdre sa licence de boucher-charcutier après un "Red Before Black" qui avait provoqué une sévère infection alimentaire dans le quartier. Erik Rutan qu’il s’appelle ce MOD (Meilleur Ouvrier du Death), qui a bossé chez les maîtres artisans MORBID ANGEL et qui avait même ses propres échoppes (RIPPING CORPSE, bien modeste, mais dont le nom était taillé dans la graisse de la destinée et bien sûr HATE ETERNAL, pour les gourmets).

Il apporte une patte plus technique et il fait avec la barbaque qu’on lui donne. C’est là qu’on distingue les bouchers qui vous font le steak haché à la main et ceux qui utilisent une machine. Ça n’a rien à voir, quand c’est coupé au couteau, on a juste envie d’agrémenter la viande comme on la veut et la bouffer en un tartare généreux. Un césar pour les plus sensibles. On en oublierait presque qu’un type a offert un supplément de trois doigts en bonus, suite à une erreur à l’abattoir. Rutan, si on le laissait faire, il courrait à poil les soirs de pleine lune pour arracher la chair directement sur la bestiole : le sens du travail bien fait. Ça, les gars (et les filles), c’est une qualité qui se perd.

Et ce "Chaos Horrific" ? Ben il se place dans la bonne moyenne. A Dead Chef, il ne passerait pas au premier tour, mais il aurait de bonnes chances de s’imposer en dernière chance avec ça. Disons que la bavette d’aloyau de contrôleur du fisc, ça passe une fois, deux fois, trois fois, mais ce n’est pas la viande la plus tendre qui soit. Ça manque un peu de jus pour bien stimuler les papilles et y a quand même un petit arrière-goût rance. Pas de quoi filer la gastro, mais on sent qu’il ne faut pas trop en abuser quand même.