Combien de groupes peuvent se targuer d’une discographie de plus de dix LPs sans qu’aucun ne soit viscéralement mauvais ? Je pose la question sincèrement, car j’ai beaucoup de mal à trouver un tel exemple de constance dans le monde du Metal, et plus largement musical. À un moment, même les plus exemplaires de nos idoles finissent toujours par se rater, par nous pondre une petite bouse l’air de rien. Ce n’est pas le cas de DARK TRANQUILLITY. Alors bien sûr, "We Are The Void" et "Construct" constituent les maillons faibles de la riche carrière des darons du Melodeath, mais ne sont pas médiocres pour autant, et loin s’en faut.

Car, même avec un petit coup de moins bien question inspiration, Mikael Stanne et sa bande possèdent une telle marge de manœuvre que cet opus marquant les vingt ans de "Skydancer" n’en demeure pas moins de bonne facture, d’autant qu’il gagne en épaisseur au fil des écoutes, révélant comme d’ordinaire des subtilités mélodiques initialement passées inaperçues.

Fini le temps de la noirceur et de la froideur des trois disques précédents, "Construct" revient à un équilibre plus en rapport avec l’identité préconçue du combo, ménageant plages atmosphériques et tempi afin de concentrer l’essence de cette mélancolie racée en douze pistes classieuses à défaut de se montrer intemporelles, même si quelques titres sauront se frayer un chemin au sein des setlists sans pour autant dépareiller ("For Broken Words", "The Science Of Noise", "Apathetic", "State Of trust").

L’album perd malgré tout quelque peu en intensité sur sa seconde partie, malgré le retour ponctuel du chant clair de Stanne, toujours aussi magistral. C’est le principal reproche que l’on pourra effectuer à "Construct", qui gère au passage plutôt bien l’équilibre clavier/guitares, plus subtil que sur certains morceaux passés, se montrant plus axé sur les ambiances qu’auparavant. Plus planant que jamais, il saura incontestablement séduire les moins extrêmes de nos lecteurs ("None Becoming").

Pas un immense coup de cœur, donc, mais une cuvée malgré tout solide pour une formation légendaire qui, à ce jour, n’a toujours pas dérapé sérieusement. Ce n’est pas la moindre des qualités que d’être systématiquement présent et de ne jamais réellement décevoir, plus de trente ans après son cri séminal.