Le retour de Ramon Messina a coïncidé, assez logiquement, avec un regain d'intérêt pour la formation italienne, que son maître à penser Aldo Lonobile a pris soin d'exploiter de la meilleure des façons, avec notamment la parution des sessions live en studio après la sortie de "Lifeblood" ("Liveblood"). Il faut dire qu'on trouvait une cohérence sur ce neuvième album qui manquait à son pourtant très bon prédécesseur (et qui a conduit le duo Burrato/Lonobile à congédier Michele Luppi).

Le dixième chapitre est l'occasion pour SECRET SPHERE d'enfoncer le clou, et pour cela a cherché, en tout cas cela a été le cas pour Ramon Messina, à retrouver cette vibration et complicité créative si importante selon lui dans la qualité de deux premiers albums. "Blackened Heartbeat" s'inscrit ainsi à la fois dans la continuité de "Lifeblood" mais aussi dans celle de ces deux premiers efforts séminaux avec lesquels il forme une trilogie d'un point de vue stylistique. En tout cas c'est la promesse sur le papier, et je ne peux pas dire que la sortie en amont de l'album de "J's Serenade" ait déçu les attentes.

Retrouver cet alliage de guitares très Heavy et véloces (techniques mine de rien), ces orchestrations soignées et virevoltantes d'Antonio Agate, le tout avec une production moderne, et vous avez un album puissant, divertissant, et porté par des lignes vocales au style marqué. Si sur l'album précédent Alessandro Del Vecchio avait réalisé une partie de ce travail (notamment les lignes de chant de "Alive"), Ramon Messina score très fort sur le sujet qui avait créé la discorde et mené à son départ en 2012. Du côté des paroles, explorer la psyché humaine via les émotions a toujours fait partie du tableau. Et depuis que le groupe se fait aider par X, sa lyriciste qui intervient depuis "Portrait Of A Dying Heart", on se retrouve avec des textes bien fichus pour mettre en forme le concept fantasmagorique de Ramon (le "Dr. Julius B" est inspiré d'un propre proche de Ramon Messina qui est psychothérapeute appelé Julio).

"Blackened Heartbeat" est clairement avec son début d'album qui mêle des guitares et mélodies façon "Legend" et la rapidité de "Where The Sea Ends" dans la continuité de "A Time Nevercome", d'autant que les orchestrations d'Antonio Agate ont la part belle. Marco Lazzarini s'est, on l'espère, bien reposé avec le deuxième album d'ARCHON ANGEL car il a un boulot de malade juste sur "J'S Serenade" une ouverture tonitruante que l'album aura bien du mal à égaler niveau intensité. Mais c'est incontestablement le titre le plus SECRET SPHERE à l'ancienne depuis "Sweet Blood Theory" et un hymne indiscutable. Si les Italiens ne craignaient déjà pas la vitesse à l'origine, on sent l'influence des formations plus modernes car le tempo est particulièrement relevé.

Mais à l'instar de "Lifeblood" qui avec sa pièce-titre arrachait tout sur son passage (et que j'écoute encore en moyenne une fois par semaine), "Blackened Heartbeat" part sur de très bons rails, et ce Power Symphonique bien plus présent confirme aussi l'excellente idée d'avoir demandé à Ramon de revenir dans le groupe. "Aura" confirme les bonnes dispositions avec un riffing thrashy ("Dr. Julius") qui sera une constante sur ce disque, qui allié à sa production tout aussi incisive (on aura même quelques vocaux Death sur "Bloody Wednesday" et du blast-beat sur "Confession"), m'amène à voir ce disque comme une espèce de chaînon manquant entre "Heart & Anger" et "Sweet Blood Theory" avec cette petite touche moderne qui permet au groupe d'avancer et de continuer à tracer son sillon dans sa troisième décennie d'existence.

Car la facette presque FM des refrains à la SECRET SPHERE de l'album de 2008 et bien présente et le sens mélodique des Italiens ne s'est clairement pas perdu ("Captive", "Anna"), même s'il ne tape pas juste partout ("Dr. Julius" a de bons arguments mais révèle les limites de SECRET SPHERE dans le Prog). Vous ne trouverez aucun mauvais titre, mais des moins marquants que d'autres, sans doute. "Blackened Heartbeat" possède une cohérence que même son très bon prédécesseur n'avait pas tout à fait, et constitue une sortie Power Metal à ne pas négliger, qui comporte peut-être moins de tubes immédiats que son prédécesseur, mais tellement de passages qui donnent envie de secouer la tête ou de lever le poing en l'air que je leur pardonne volontiers, surtout quand ils parviennent dans un jeu d'équilibriste pour le moins osé à sortir un "One Day I Will" que seuls les Italiens pouvaient composer. Mine de rien, "Blackened Heartbeat" est très solide.