Franchement, écrire sur un album live n’est pas forcément le plus excitant, ni le plus intéressant à faire en tant que chroniqueur. Souvent, nous finissons par nous répéter, à dire « ah oui, là ils jouent différemment qu’en studio, c’est cool » ou « forcément, sans les orchestrations, c’est tout de suite plus brut » ou encore « le deuxième CD consiste en un solo de batterie de Portnoy de soixante-six minutes, on vous excusera de passer directement au disque 3. » Et de s’extasier sur une impro (surtout vrai sur les Lives des années 70), ou d’apprécier la pureté du son, noter que le public est plus ou moins réceptif, plus ou moins mixé en avant ou trop en retrait. Préciser quand les musiciens semblent présents ou qu’ils s’en foutent d’être là. Mais avec la pandémie, pas de concerts face à un parterre de fan, ou alors par écrans interposés. Et c’est ce que propose KATATONIA avec ce "Dead Air".

"Dead Air", c’est la captation d’un concert donné en streaming en mai 2020 au Studio Grondahl, à Stockholm. Il faut dire que cela a dû être difficile pour les groupes ayant sorti un album avant que ne se déclare la crise sanitaire, voire pendant, qui avaient un planning de prévu avec tournées et apparitions dans les gros festivals de l’été, de devoir rester à la maison, de ne pas pouvoir défendre son dernier effort à cause d’un putain de virus qui fait de nos vie une espère d’enfer sur Terre. Il reste donc cette solution du streaming mais… La question est légitime : peut-on encore appeler le report sur disque un album live alors que le public n’était pas présent ? Vous avez quatre heures et difficile de trouver une réponse pleinement satisfaisante.

La setlist est plutôt copieuse. Comptez une vingtaine de titres pour environ 1h20 de musique, ce n’est pas si mal. Ce sont les fans qui l’ont établie, en votant pour leurs morceaux préférés. Ne vous attendez cependant pas à trouver des extraits de "Brave Murder Day", cette période est définitivement derrière KATATONIA et son répertoire depuis, disons "Last Fair Deal Gone Down" est suffisamment étoffé pour fournir deux sets de qualité. Ça défile vite, le groupe enchaîne rapidement. Logique, il n’y a pas le temps dédié au public, celui où crépitent les applaudissements et les cris. Pourtant, Jonas Renske se fend de quelques « thank you » et c’est assez logique. La prestation est filmée et le chanteur s’adresse directement à ceux qui regardent via leur PC.

Et concrètement ? C’est loin d’être aseptisé. La prestation se veut même assez énergique, il y a vraiment un aspect très live dans cette musique, avec des tournures très Heavy ("Ghost Of The Sun" est un petit plaisir en soi, avec ce qu’il faut d’agressivité pour nous rappeler le parcours qu’a emprunté KATATONIA passé ses débuts Doom), d’autres qui prennent des chemins détournés pour coller à la scène sans se noyer dans des samples ("Lacquer", un des trois extraits de "City Burials", le dernier méfait studio en date des Suédois, avec "Behind The Blood" et "The Winter Of Our Passing", qui se fondent parfaitement dans la setlist - là encore, difficile de dire "l'épreuve de la scène"). L’aspect Metal est donc bien présent et guide même le show à travers des interventions souvent musclées des guitaristes qui montrent qu’ils ont toujours les crocs.

Alors c’est certain, on passe un bon moment devant cet enregistrement, qui aligne tout de même pas mal de morceaux qui ont fait date ("Unfurl" est toujours aussi magnifique, passer à côté serait dommage). Il n’empêche, même si c’est bien joué, interprété, que le groupe ne fait pas semblant et se donne, il manque un élément important : le public. Écouter "Dead Air", cela revient quelque part à s’enfiler un best of de titres remixés, de façon plus Heavy. C’est présenté comme un Live, mais il n’y a pas ce facteur que seul l’humain peut créer et qui peut faire toute la différence : l’ambiance. C’est trop silencieux. Et quelque part, le fait que ce soit enregistré en studio propose un rendu très propre également, sans ce petit grain plus authentique et c’est frustrant. Parce qu’il manque cette force motrice qui aurait pu rendre l’ensemble encore meilleur, plus fort, sans perdre de son élégance.

Des albums de ce type, nous risquons d’en avoir un certain nombre dans les mois à venir. C’est une façon de prendre son mal en patience, peut-être aussi de faire travailler son imagination même si cela reste superficiel. KATATONIA n’est pas à blâmer pour son choix, le groupe prouve que le projet est viable à défaut d’être réellement palpitant et cela permet de faire vivre sa musique. La version vidéo reste également un peu figée, il n’y a pas cette énergie communicative qui fait d’un Live un moment important pour le fan qui peut ainsi se défouler tout en s’éclatant avec la musique qu’il aime. Quelque part, c’est triste. Parce que nous pouvons sentir qu’il manque également quelque chose au groupe et que ce quelque chose, c’est son public.