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EVERGREY - Escape Of The Phoenix (2021)
Par JEFF KANJI le 26 Février 2021          Consultée 3518 fois

Le temps faisant son œuvre, EVERGREY est passé du statut de groupe que j'aime au point d'avoir tous ses albums à celui de référence. En effet, depuis la claque psychologique de "Hymns For The Broken", le quintette suédois s'est peu à peu imposé comme une référence en matière de Heavy, album après album, quand bien même le carton n'était pas réitéré, même s'il faut bien admettre que plus le temps passe, plus "The Atlantic" s'impose comme un nouveau classique.

Et il porte à la fois cette lumière qui éclaire positivement la musique d'EVERGREY sans en oublier le spleen. Mais pour la noirceur, elle appartient désormais à un autre temps. Tom Englund a changé, et l'équilibre du groupe également. La violence qui pouvait émaner de "In Search Of Truth" ou encore du plus récent "Torn" a laissé place à une débauche de puissance, bien appuyée par Jacob Hansen dont le travail sur l'album de 2014 a semble-t-il convaincu le groupe de suivre son sillage, et l'a aidé à se moderniser.

Oui mais si EVERGREY s'est adapté au monde actuel, ce n'est pas tant dans son écriture, dont les fondamentaux, même si la brutalité rythmique s'est accentuée avec la participation devenue essentielle de Jonas Ekdahl à l'écriture, n'ont pas beaucoup changé depuis les débuts. C'est plutôt cette accentuation des effets de masse, la mise en valeur de l'utilisation des arpégiateurs que Rikard Zander affectionne depuis longtemps. En parlant de ces rythmes largement mis en valeur, ils sont aussi un défaut qui prend de plus en plus de place, et on trouve sur les albums récents (depuis "Torn" en fait) une tendance au bourrinage qui dessert le propos, particulièrement quand le groupe tâte de la sept-cordes. EVERGREY n'est plus réputé pour ses riffs depuis un moment, c'est davantage la propension à distribuer des mélodies marquantes, tantôt mélancoliques, tantôt épiques, voire spatiales, le tout servi par une voix très typée qui n'a aucun équivalent dans le style.

Sorti d'un trio d'albums dédié au grand large, EVERGREY se sent libéré d'un quelconque carcan, d'autant que les mesures sanitaires lui ont permis pour la première fois depuis très longtemps de ne pas être interrompu dans le processus de réalisation de ce déjà douzième album d'une carrière déjà hautement qualitative. Un groupe serein, Johann Niemann venant de battre le record de longévité jusque-là détenu par Michael Håkansson, donc d'une stabilité exemplaire, armé pour délivrer de nouveaux trésors.

"Forever Outsider" m'a un peu échaudé je dois dire. Justement, la tendance au bourrinage de riff sous-accordé à la "Weightless" se retrouve. Mais je n'ai pas été tant décontenancé que par ce refrain étrangement positif, qui je dois l'avouer n'est pas ce que j'apprécie le plus chez les Suédois. "Eternal Nocturnal" se révèle déjà nettement plus percutant, le genre d'hymne typique que l'on peut attendre d'EVERGREY, assez proche du "Passing Through" de "The Storm Within" même si ce nouveau titre dégage quelque chose de plus grand, ce que les synthés de Rikard Zander, à la EUROPE, et les deux brillants soli de guitare de Tom et Henrik viennent parachever. Peut-être pas la palme de l'originalité, mais incontestablement un titre fort. Et puis il y a eu encore plus récemment "Where August Mourn" qui montre une facette plus atmosphérique d'EVERGREY, celle qui tend à se développer depuis 2015 (et qui montre qu'il n'en a pas fini avec l'océan), bien aidé par un jeu de batterie à la fois subtil et puissant de Jonas Ekdahl, avec renforts d'arpégiateur et refrain quasi radiophonique, qui ne perd pas son fil, porté par un Tom Englund toujours en aussi bonne forme vocale.

Vous avez avec ces trois titres les ingrédients de base de "Escape Of The Phoenix", un disque qui me fait beaucoup penser à "The Storm Within" de par ses déséquilibres intrinsèques ; une nouvelle fois, le groupe souffle le chaud et le froid, et la première moitié du disque n'est pas la plus facile à appréhender, et le très bon "Stories" peut même vous dissimuler ses charmes aux premières écoutes, à l'exception de la prestation vocale magistrale de Tom Englund. Même "The Beholder" qui joue la carte du duo sur un tempo lent façon "Silent Arc", s'en sort pas mal sans briller, l'apport de James Labrie (comme souvent bien meilleur que lorsqu'il œuvre dans son groupe principal) ne suffisant pas à faire la différence, malgré une mélodie principale qui fonctionne pas si mal. Même problème avec "A Dandelion Cipher" et ses riffs sympas mais qui tourne à vide.

Mais comme sur "The Storm Within", attention à la suite. Sauf que là dès le magistral "In The Absence Of Sun", qui met en valeur Rikard Zander comme jamais, on retrouve le grand EVERGREY Prog des années 2000 (avec la touche de modernité dont je parlais plus haut bien sûr). Et ensuite, les charmes moins évidents de "You From You" et "Leaden Saints" (avec ses chœurs fantomatiques à la "Still In The Water") se dévoilent, encadrés par un finish enlevé, une pièce-titre pas hyper impressionnante mais au refrain réussi, et un "Eternal Nocturnal" fer de lance de l'album.

Il règne un sentiment de paix déstabilisant, qui ne fonctionne pas toujours sur "Escape Of The Phoenix". En revanche, quand l'écriture est adaptée ça peut donner de l'excellent ("Stories", "In The Absence Of Sun"), mais on peut aussi avoir du limite racoleur ("You From You", "Forever Outsider"). Il paraissait difficile de succéder à "The Atlantic" c'est un fait. "Escape Of The Phoenix" le fait néanmoins, en se présentant comme un chaînon manquant entre les deux derniers albums du groupe, une sorte d'équilibre entre ambiance et sens de l'accroche, mais avec cette fameuse béatitude qui continuera de me désarçonner, sans pour autant me dissuader d'écouter le douzième album de cette référence en matière de Heavy Prog, car la personnalité du groupe y est plus forte que jamais.

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   JEFF KANJI

 
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- Tom Englund (chant, guitare)
- Henrik Danhage (guitare)
- Rikard Zander (claviers)
- Jonas Ekdhal (batterie)
- Johan Niemann (basse)
- -
- James Labrie (chant sur 5)


1. Forever Outsider
2. Where August Mourn
3. Stories
4. A Dandelion Cypher
5. The Beholder
6. In The Absence Of Sun
7. Eternal Nocturnal
8. Escape Of The Phoenix
9. You From You
10. Leaden Saints
11. Run



             



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