Quitter DEEP PURPLE où son leadership commençait à être contesté fut certainement un acte difficile mais courageux pour Ritchie Blackmore qui ne peut jouer que sur sa réputation pour mettre en lumière son nouveau projet, monté avec un petit groupe sans postérité envisageable, RAINBOW. D’ailleurs, pour mettre toutes les chances de son côté, son nom figurera en bonne place sur la pochette un brin ridicule avec ce château fort en forme de guitare électrique, avec cet arc-en-ciel traversant la jaquette.

Pourtant, ce premier album, paru donc sous le nom de RITCHIE BLACKMORE’S RAINBOW, n’est pas à prendre à la légère. L’ombrageux guitariste livre une prestation solide, marquée forcément par une ombre Pourpre, mais qui se démarque quand même assez nettement de ce qu’il faisait auparavant. L’Homme en Noir va en effet laisser parler ses penchants pour la musique classique et va donner une aura particulière à cet exercice de style, mêlant Rock et un aspect Renaissance des plus réussis, en atteste la sublime "Temple Of The King" qui a elle seule mérite que l’on s’attarde sur ce disque au moins une fois dans sa vie.

Bien sûr, "Snake Charmer" fait son petit effet, "Self Portrait" reste bien en tête, "Man Of The Silver Mountain" s’impose comme un classique immédiat. Mais pourtant, c’est à travers les ballades somptueuses qui émaillent ce disque que RAINBOW se montre le plus subtil, le plus brillant également, porté la guitare toute en délicatesse de Blackmore, qui nous prend dans le sens du poil de façon suave, presque langoureuse ("Catch The Rainbow", "The Temple Of The King"…).

L’autre attraction de cet album réside en Ronnie James Dio. Evidemment. Pourrait-il en être autrement, alors qu’il livre là une des plus belles prestations de sa carrière ("Sixteenth Century Greensleeves", complètement baroque, est un petit bijou, porté par le Lutin avec un aplomb confondant de facilité). Tour à tour agressif, ou au contraire posé, il est l’homme providentiel pour Blackmore, qui n’hésitera pas à se mettre en valeur avec une brillante version du "Still I’m Sad" des YARDBIRDS.

Le point faible de cet album ? Les musiciens entourant les deux têtes d’affiche. Ils n’ont pas la carrure pour jouer certain des morceaux et un titre comme "If You Don’t Like Rock’N’Roll" tombe complètement à plat en déroulant un Boogie sans le moindre intérêt, les seuls attraits étant les prestations de Blackmore et de Dio. Il n’est donc pas étonnant qu’ils ne firent pas de vieux os au sein de la formation…

Quoiqu’il en soit, ce premier opus est un indispensable du Hard Rock malgré ses quelques imperfections, les moments forts étant suffisamment enivrant pour qu’on ait pas envie de changer de flacon. L’ivresse est là, et bien là.