LED ZEPPELIN n’a pas créé le Hard Rock. Mais ils ont bien contribué à la populariser, c’est certain. Les pionniers ont été nombreux. Certains se contentèrent de sortir un titre avec un riff plus agressif, à l’image des KINKS avec "You Really Got Me", qui sera sublimé des années après par VAN HALEN, ou encore les ROLLING STONES dont le "(I Can’t Get No) Satisfaction" était bien bruyant pour cette année 1965. Et que penser du "Helter Skelter" des BEATLES ? Nikki Sixx vous en dira certainement le plus grand bien. Puis il y a les autres. Ceux qui commençaient lentement à hausser le ton, à proposer des choses plus raides, mêlant Blues et Rock Psychédélique pour un résultat des plus acides (Jimi HENDRIX, notre père à tous, les improvisations souvent hallucinées de Clapton au sein de CREAM, sans oublier les Canadiens de STEPPENWOLF qui ont utilisé le terme de Heavy Metal dans "Born To Be Wild" ). En Californie, BLUE CHEER et surtout IRON BUTTERFLY offraient une vision bien plus lourdingue du Rock du coin. "In-A-Gadda-Da-Vida" proposait déjà quelque chose de stupéfiant dans sa pesanteur.

Au milieu de tout cela, LED ZEPPELIN n’était pas forcément plus original qu’un autre et Jimmy Page était loin d’être un débutant, il avait écumé de nombreux studios avant de rejoindre les YARDBIRDS, groupe qui aura vu se succéder Eric Clapton, Jeff Beck et donc Jimmy. Excusez du peu. Chacun a su apporter sa touche à la formation, le Blues d’exception pour le premier, l’innovation et le glissement vers quelque chose de plus dur pour le second, la flamboyance pour le troisième. Quand le combo splitte, Page va tenter de monter les NEW YARDBIRDS. Il formera une équipe après certains refus de musiciens importants, mais on tient quand même là du lourd. John Paul Jones fréquentait les mêmes studios que Page et était aussi à l’aise à la basse qu’aux claviers. John Bonham n’était pas le plus technique des batteurs, mais sa frappe de mule et son charisme en imposaient vraiment. Robert Plant, lui, était un jeunot qui jouait dans plusieurs groupes orientés Blues. Le nom, c’est une idée de Keith Moon.

Musicalement, nous ne sommes pas aussi éloignés qu’on peut le penser des YARDBIRDS. On retrouve les fulgurances à la guitare de Page, ainsi que des racines Blues terreuses et cette expérimentation qui restait du passage de Beck. On règle les amplis différemment, on teste des trucs, le résultat est plus arides. Le chant de Plant est racé, puissant, il hurle par moments à s’en déchirer les cordes vocales. Ses galons, le groupe va les gagner surtout sur scène, où il va improviser de longs moments, offrir des prestations d’anthologie où le public découvrira la technique de l’archet de Jimmy Page ainsi qu’un chanteur blond qui ne tient pas en place et qui dégage une sexualité forte. Puis il y a cette pochette qui claque, le Hindenburg qui prend feu à son arrivée dans le New Jersey en 1937. Voilà un visuel annonciateur de la déferlante à venir.

Ce premier opus contient nombre d’éléments qui feront le succès du ZEP’ (d’ailleurs, pourquoi croyez-vous que l’auteur de Titeuf a pris ce pseudo ?). Ce Rock dur et tranchant, agressif quand il le faut ("Communication Breakdown") et parfois hallucinant ("Dazed And Confused"), un Blues lourd, hérité des standards du genre, en composition originale ("How Many More Times") ou en reprises ("You Shook Me" et "I Can’t Quit You Baby", puisées dans le vivier de Willie DIXON) ainsi que des touches Folk déjà présentes et qui exploseront sur le troisième opus ("Babe I’m Gonna Leave You", l’instrumental "Black Mountain Side"), le tout enregistré dans l’urgence. Une trentaine d’heures. Un rythme à la DARKTHRONE, mais qui n’était pas si rare à l’époque. En revanche, on distinguera déjà les soucis de Page pour rendre à César ce qui appartient à César. Anne BREDON se fera connaître via un procès pour être crédité sur "Babe I’m Gonna Leave You". DIXON sera une autre victime, sur le "II", avec "Whole Lotta Love".

Ce premier album éponyme a tendance à être surévalué. Pour son côté légendaire, vous comprenez. « Par les créateurs du Hard Rock ». À cela je préfère « ceux qui le domptèrent ». Et le rendirent populaire également. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le paysage musical subissait de nombreuses mutations en ces fins de sixties et que si ça n’avait pas été LED ZEPPELIN, ça aurait été une autre formation qui aurait cette aura particulière, dont le Dirigeable aura su jouer, même après son split. Mais à cette époque, y avait mieux, comme CACTUS ou MOUNTAIN, voire eux-mêmes avec le "II", qui sortira quelques mois plus tard. Du coup, cette kro-express n'en est plus vraiment une et j'en suis fort désolé.