Quand j’étais tout gamin, j’adorais jouer avec la pâte à modeler. Je pouvais la tripoter pendant des heures comme un autiste. Toutes ces formes possibles du bout des doigts, ça me fascinait. Et ce qu’il y avait de bien avec la marque Play Doh (1), c’était ces couleurs super flashy (2) qui vous donnaient l’impression de jouer avec un arc-en-ciel entre les mains. Un jour, je sais pas ce qui m’est passé par la tête, j’ai pris tout le stock de pâtes (pendant que la maîtresse me regardait pas) et j’ai tout mélangé. Fébrilement, j’ai malaxé toutes les pâtes ensemble et rapidement je me suis retrouvé avec une espèce de grosse boule couleur vert caca d’oie. Je m’étais imaginé que la symbiose de toutes les couleurs du monde allait donner un truc fantastique, une nouvelle couleur géniale. Bah non. Le mélange de toute une caisse de pâte à modeler Play Doh, ça donne une couleur verdâtre qui pue et la maîtresse qui crie et vous prive de récrés pour la peine parce que vous êtes un vilain de faire des choses dans son dos quand elle regarde pas.

Moralité : « mélanger tout et n’importe quoi, ça donne souvent des résultats caca-beurk ».

Ce principe s’applique aussi bien avec la Play Doh, qu’en cuisine, cinéma et bien entendu en musique (d’où cette introduction chaotique et le lien avec l’album visé ici même) (vous captez où je voulais en venir avec mes histoires nulles de Play Doh) (vous êtes rassuré quant à ma santé mentale) (vous décidez de pas lire cette chronique quand même) (je suis bien eu).

L’expérience de toute une vie me fait donc dire que mélanger plein de trucs ensemble est non seulement risqué mais très aléatoire. FIVE FINGER DEATH PUNCH (FFPD) pourrait justement être une illustration du principe, de ce qu’il ne faut pas faire (ou éventuellement dans des proportions plus décentes). Ce groupe brasse tellement large que même Wikipedia ne sait pas dans quel genre le groupe opère : ils ont mis « Heavy Metal » sur leur site au petit bonheur la chance en espérant pas trop se tromper (3). Ah les cons. Sauf que si je fais écouter "War Is The Answer" à Rob HALFORD en lui disant : « Eh Robinou d’amour, tiens, écoute un peu le nouveau groupe de Heavy Metal US », je pense qu’il aurait une attaque cérébrale dans les trois minutes. « Cinq doigts du Punch de la mort » est Power, Metalcore, Thrash, Néo (si vous voulez) mais franchement pas Heavy (stylistiquement parlant). Précisons : FFPD est un mélange de MACHINE HEAD qui serait copain comme cochon avec les derniers SLIPKNOT, tout en fricotant honteusement avec PARADISE LOST et TRIVIUM.

Je vous laisse digérer cette dernière phrase et imaginer le bordel sonore que ça donne.

FFPD va partout et nulle part, délivre les mandales puis tourne en rond. Le groupe donne irrémédiablement l’impression d’être perdu, alors nous aussi. Forcément. Particularité étonnante (et non des moindres) : « Cinq Doigts de la Patate de la mort » ne se contente pas de brasser globalement plein d’influences et de genres en tout genre (ah ah), le groupe ose de surcroît … tadadam (roulement de tambours) : l’hétérogénéité par titres ! On passe d’un Thrash moderne à la TRIVIUM à du gros Power à la PANTERA le titre suivant, d’un "Hard To See" (track 2) tellement « Paradiselostien » que j’ai appelé Nick HOLMES pour les balancer, à un "Bullet Proof" très Metalcore (façon DEVILDRIVER). Sans parler de l’instrumentale Néo à deux roubles ("Canto 34") ou de la « Power-ballade » mièvre ("Crossing Over") et ainsi de suite vice répétita et tutti quanti. FFDP brouille les pistes, passe d’un genre à l’autre de telle sorte qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre en découvrant l’album. On sait juste que le morceau qu’on écoute sera différent du suivant (d’où une certaine sensation de surprise lors de la découverte de l’album).

De cette hétérogénéité copulatoire, on pourrait craindre la dispersion, le manque de cohérence et l’impression d’écouter un hommage au Metal moderne joué par un même groupe ; habitués que nous sommes à ce qu’un groupe se cantonne à son petit carcan musical. De fait, on pourra accuser FFPD de tous ces maux et on aurait raison. On pourra même se moquer d’eux en disant qu’ils ont tellement le cul entre deux chaises que ce serait plus simple pour eux de jouer assis directement par terre. C’est pas très gentil de dire ça.

Pourtant, il y a un point, un détail qui mérite considération et qui a engendré en mon for intérieur une certaine bienveillance, c’est cette volonté qu’a eu le groupe de vouloir rendre accrocheuse sa musique malgré sa bâtardise avérée. FFPD cherche à vous marquer les esprits, à retenir votre attention et croit certainement que sa polyvalence sera fédératrice Et j’ai trouvé ça « touchant ». « L’enfer est pavé de bonnes intentions » comme on dit, n’empêche qu’à la base ça reste de bonnes intentions quand même, non ? Cette volonté mélodique (dans ce contexte de multiplicité des registres et d’influences) fait de "War Is The Answer" une sorte de défi culturel, un parcours pénible du combattant-hurleur qui s’essaie avec ardeur, dont la motivation donne des envies d’indulgence.

Puis bon, il y a "Bad Company" comme parfait alibi de complaisance. Du super Grunge musclé comme j’aimerais en entendre tous les jours, un croisement entre un GODSMACK survitaminé avec une touche de old-MACHINE HEAD : riff costaud, refrain impeccable, un zeste de mélancolie sur flot de colère. J’adore. Pour l’occasion, Ivan Moody (le chanteur) choisit un registre plus intéressant que ses habituels braillements de veau ou son chant clair de tapette plaintive. Dommage que le solo soit à peu près aussi imaginatif qu’une formule de politesse (on peut pas tout avoir non plus). Un morceau comme "Bad Company" sur un tel album confine déjà au miracle et mérite à lui seul le téléchargement illégal de "War Is The Answer" (4). D’ailleurs, si par malheur on vous prend la main dans le sac à écouter FFPD et qu’on commence à se moquer de vous, il vous suffira d’avancer à la Track 12 en prétextant que « c’est pas aussi nul, d’ailleurs la preuve écoute ça, hein tu vois que finalement c’est pas tant de la merde que ça ». Grâce à "Bad Company", votre réputation restera intacte et votre crédibilité entière. Quant à la mienne (de crédibilité), le simple fait que je vous vende l’album par le truchement de l’avant-dernière piste dénote de ma part une attention et un devoir d’analyse réels (vous pouvez au moins mettre ça à mon crédit, non ?).

Et si le manant continue de vous taquiner parce que la meilleure chanson de l’album est en fait une « cover » du groupe BAD COMPANY, qu’en plus il fait des jeux de mots foireux avec le nom du groupe (comme « Cinq doigts du Punch Coco de la mort »), vous pourrez toujours prendre votre mine condescendante en rétorquant que c’est pas un nom de groupe aussi con que c’en a l’air vu que c’est une référence au cinéma de Hong-Kong.


Et toc, prend ça dans les dents.


Note : 2,5/5 (dans un élan de bonté sidérante)


Morceau préféré : "Bad Company".
C’est nul à chier : "Canto 34", "Crossing Over".




(1) Partenariat en cours avec NIME…
(2) En plus de cette légère odeur d’amande moisie, aaaaah que de souvenirs…
(3) http://en.wikipedia.org/wiki/Five_Finger_Death_Punch
(4) Toujours aussi drôle en 2010.