Après un album presque parfait sorti en 2008, KEEP OF KALESSIN a le vent dans les voiles, son Black Mélodique ayant charmé pour de bon quiconque se sera arrêté à découvrir et admirer sa cuirasse. Mais avant de pondre un tel bonbon guerrier, car c'est bien là leur thème de prédilection qu'ils interprètent avec talent et puissance, les Norvégiens menés par les grattes magistrales d'Obsidian Claw, avaient lancé en 2006 ce non moins excellent skeud, "Armada", nouveau point de départ d'une tangente que le groupe suivra, espérons-le, dans le futur.

"Armada" est bien entendu le petit frère de "Kolossus", car il en a tous les attributs : même courroux mélodique, plus rapide et fonceur que son grand frère, moins réfléchi et subtil dans les structures, plus dans les dents, moins charmeur. "Armada" est avant tout basé sur la vitesse d'exécution (écoutez "Vengeance Rising" et lancez-vous sur les murs !) et traduit avec justesse l'avancée de cette armée piétinant le champ de bataille. Et je vous le précise tout de suite : que vous commenciez votre débroussaillage « kalessien » par "Kolossus" ou "Armada", l'effet sera le même tant les deux frères ont les traits différents malgré leur semblable ADN élitiste. Et pourquoi ne sont-ils pas plus connus que cela ? Probablement parce que leur vrai visage est apparu un peu tard sur la scène extrême norvégienne, déjà pas mal occupée comme vous savez. Faut dire que de 1999 à 2006, seul un maigre EP a marqué leur parcours, ce qui leur a sûrement fait très mal…

Mais bon, si on laisse tomber la politique et la démagogie, on reprendra le temps perdu en même temps que cet hallucinant quatuor. Contrairement à d'autres groupes de Black Mélo qui continuent d'explorer les terres de l'Enfer et colorent leurs albums de noirceur, KEEP OF KALESSIN, qui suivait un peu cette route avant de défoncer l'an 2000, se distingue aisément de par son côté épique. C'est un délectable plaisir d'entendre une musique se fondre parfaitement dans la nature de ses paroles, de son imagerie. Les atmosphères nous catapultent carrément dans un conflit entre les hommes et les Dieux, saga qui se terminera sur "Kolossus".

"Armada" jouit également d'une profondeur abyssale : tous ses titres ont quelque chose de spécial (bonne habitude à prendre), que ce soit un solo, des riffs hyper véloces ("Crown Of The Kings", "Into The Fire") alternant avec des envolées planantes ("Many Are We" et ses cordes entrelacées, "Winged Watcher" et son bridge poignant sur fond de clavier, un des meilleurs moments de cet album). Thebon agit déjà comme un solide frontman, assurance qu'il poussera à un autre niveau sur "Kolossus", mais il offre ici une intéressante palette de timbres. Ils sont rares les emmerdements sur "Armada", à croire que l'attente en aura valu la chandelle pour ceux qui avaient accroché à "Agnen" en 99 et qui avaient hurlé de joie en 2003 avec le EP "Reclaim".

Il est vrai qu'à l'instar de plusieurs de ses compatriotes, KEEP OF KALESSIN aurait pu se payer des orchestrations pour sublimer un ensemble au départ magistral, mais la charge que les Norvégiens envoient sur "Armada" est suffisamment envoûtante et musclée. Ils font beaucoup avec peu ; on pourrait croire qu'il y a deux guitares, mais non, Obsidian Claw est un tank ! Les baffes sont assez violentes, je vous le garantis. Et ce n'est pas le morceau-titre qui me fera mentir, conclusion homérique et ouverture sur un futur tout aussi reluisant.

"Armada" est plus qu'un très bon album de Black Mélo, c'était un deuxième tremplin pour KEEP OF KALESSIN, la portée d'entrée sur une ère prolifique qui se poursuivra à n'en pas douter pour ces adroits semeurs de pagaille. Un des plus surprenants groupes cachés dans le brouillard.