Nous y voilà. Le sommet, la fin de l'ascension. Et si ce n'était qu'une fin après tout? En 1997, Peter Tägtgren annonca cet album -"The Final Chapter"- comme son dernier album. Les raisons évoquées étaient des tensions au sein du groupe mais aussi cette histoire de divorce qui fut apparemment si douloureux que son side-project PAIN en serait l'exutoire. Et rien ne prête à prendre cette nouvelle au second degré: il suffit de jeter un oeil à la couverture (le groupe en train de se consumer), au titre de l'album bien entendu mais aussi aux phrases "This will be my final chapter" présentes ça et là. Comme chant du cygne, le groupe ne pouvait faire mieux.

Une fois encore le groupe améliore le son, il devient surpuissant: des guitares graisseuses en duo avec une basse claquante, une voix abyssalle dont l'authenticité me laisse parfois sceptique, etc etc. Le panard, de ce côté-là. Structuré sur une alternance entre morceaux aggressifs et titres plus lents, l'album trahit des accès de violence imparables et les allie avec des passages lourds, vecteurs de désespoir et de complaintes. Au-delà de cette sacro-sainte ambiance irréelle, peut-être dénotée par ces riffs parfois comme informatisés, le trio suédois applique une formule déjà proposée auparavant, mais qui fait son effet le long de ces 55mn. Des morceaux structurés, mais laissant suffisamment de place aux essentiels breaks et ponts, cachent en leur sein des riffs énormes, un rythme prenant et des refrains reconnaissables à la seconde écoute.

L'alliance de ces guitares prêtes à vous trancher et de ces mélodies très simples n'a jamais aussi bien marché. De tueries en tueries, où les morceaux rivalisent de violence avec eux-mêmes: riffs tournoyants, batterie excitée et cavalcades de guitares sont donnés en offrande à l'auditeur qui en demande simplement plus. "Inseminated Adoption","Dominion", "Last Vanguard", sont des preuves de l'inspiration sans faille d'Hypocrisy pour leur pseudo-dernier essai.

Reste que pour reposer vos petites oreilles maltraitées par un tel carnage, Hypocrisy a prévu ces morceaux mid-tempo d'une rare beauté. Sur des thèmes et rythmes violents, le groupe dégage cette impression d'impuissance et de fatalisme à travers un chant parfois plaintif, des solos privilégiant le feeling à la technique, ou tout simplement un riff émouvant au beau milieu de nulle part. Le groupe joue avec les effets, "Shamateur" est très pessimiste avec ses voix lointaines et ses claviers discrets, "Lies" crée angoisse et tristesse...Evidemment la présence de deux autres titres -"Request Denied" et "The Final Chapter"- monte considérablement l'intérêt du disque. L'un se fait progressif, très travaillé; l'autre constitue une véritable conclusion apocalyptique.

Entre détresse et hargne, jamais Hypocrisy ne s'était fait aussi intense. Seul "Evil invaders", certes parfait pour le thème surnaturel, -reprise de RAZOR- est un peu décalée, accrocheuse mais trop thrashisante. Hypocrisy signe ici son petit chef-d'oeuvre, inaltérable, simple mais aux facettes ambigües.