1998 : après un premier album séminal et un deuxième disque dans la même veine, bien que moins brutalement aride, KORN s’est installé sans vergogne sur le trône du néo... Et déjà se presse dans le sillage des cinq de Bakersfield toute une tripotée de pilleurs sans âme, grignotant qui une coupe de cheveux, qui un gros son de guitare, qui une attitude. Un leader qui leur répond de façon insolente avec son troisième disque ornée d’une somptueuse pochette signée Todd McFarlane : « Follow The Leader » !

Concrètement, ce troisième album de KORN tranche avec ses deux prédécesseurs par son propos plus abordable, moins cru qu’auparavant : Les mélodies sont plus finement ciselées, les samples et bruitages encore plus présents, les morceaux se sont dégagés de l’emprise écrasante d’une homogénéité ségrégatrice à l’encontre des individualités, et le tout jouit d’une excellente production, puissante et suffisamment aérée pour laisser l’auditeur respirer. Pour autant, le groupe reste le même, reconnaissable entre mille, et on retrouve ce jeu thématique malsain mettant en scène une désacralisation de l’enfance, une convocation glauque de souvenirs barbouillés de traumatisme. Un malaise que la musique restitue vraiment bien, parcourue qu’elle est de ces loops, séquences et autres scratchs qui dépeignent une solitude de marmot contraint de composer avec l’effroi d’un univers bien plus dégueulasse que celui qu’on lui promettait. Un univers que Jonathan nous dévoile de sa voix profondément humaine et torturée.

A l’image de son chanteur, metteur en scène talentueux, KORN recourt à des instruments qui ont fait leurs preuves, mais s’attache à les redéfinir dans une limite acceptable : magma gras des guitares sept cordes de Munky et Head, batterie versatile et très percussive de David, basse cliquettante et métallique de Fieldy... et Jonathan, éclatant de rage et succombant à la plainte avant de s’adonner au caquettement, tout en pimentant chaque compo de ses propres créations vocales indescriptibles, jaillissant directement du coeur. Un vrai caméléon qui se veut notre guide dans cet univers.

Au bout de cette marelle de vingt cinq cases, un disque long (plus d’une heure) dont les douze premières pistes constituent (mises bout à bout) une minute de silence, une cargaison de hits (hat trick introductif avec le noir "It’s On !", le bipolaire et excellent "Freak On A Leash", et l’irrésistible et poppy "Got The Life"), des morceaux sans lumières (les excellents "Dead Bodies Everywhere", "Seed" et ses samples angoissants, le cauchemar de "My Gift To You")... et, ce qui valut bien des critiques au groupe, trois morceaux clairement Hip-Hop (que j'ai tendance à zapper) qui voient Fred Durst ("All In The Family"), le rappeur Ice Cube ("Children Of The Korn") et Trevant Hardson ("Cameltosis") faire une petite apparition.

« Follow The leader », comme son intitulé provocateur le promettait, enterre donc la concurrence, marque une évolution par rapport aux deux premiers opus du groupe - plus difficiles d'approche - en s’ouvrant davantage au monde, et permet à KORN de confirmer son statut de phénomène du Metal tout court. Je regrette juste que le disque traîne autant en longueur, car le territoire exploré par le groupe reste tout de même assez confiné, et l'intensité retombe notablement en milieu de parcours, avant le sursaut des très bons "Seed" et "My Gift To You"... Peu importe, ce disque demeure largement au-dessus du lot même si inégal et trop long (d'où ma note sévère) et rappelle, comme convenu, qui est le maître du Néo.