1977, TRUST se forme du côté de Nanterre suite à la rencontre entre Bernie Bonvoisin et Norbert Krief. Le début d'une longue histoire tumultueuse... Le premier est déjà quelque peu habitué au monde du spectacle, ayant notamment travaillé dans les coulisses de l'Olympia, le second est quant à lui un guitariste expérimenté et pro dans la démarche (il a fait ses armes dans le groupe du Club Med). Le potentiel énorme du groupe est rapidement décelé, au bout de quelques concerts à peine TRUST est repéré et soutenu par certains journalistes. C'est donc ainsi qu'ils signeront rapidement un deal avec la maison de disques Pathé-Marconi, ce qui leur donnera l'opportunité de sortir leur premier 45-tours contenant les titres "Prends Pas Ton Flingue" et "Paris By Night (Love At First Feel)" (mal orthographié en "Love At First Field" sur certains pressages). Sorti en tout début d'année 1978, mal distribué, pressé en petite quantité, ce 45-tours ne permettra pas au groupe de se faire vraiment connaître du public, et Bernie enverra chier Pathé-Marconi estimant que ces derniers ne les avait signés que pour mieux les contrôler (soi-disant pour éviter de faire de l'ombre à leur poulain TÉLÉPHONE).

Les titres de ce fameux 45-tours furent longtemps oubliés, jusqu'à leur réédition en 1992 sous la forme d'un EP afin de surfer sur le succès du Live sorti la même année. Et vraiment, ces morceaux méritaient de refaire surface ! "Prends Pas Ton Flingue", le titre, est une véritable rareté. Un morceau jamais joué live depuis la publication du premier album (et j'ignore aussi s'il fut interprété durant les quelques concerts précédents), alors qu'il est en fait plus que bon. Certes, la trame musicale n'est pas d'une grande inventivité : tout se base sur une rythmique Boogie/Hard classique en mid-tempo, mais pas que ! Car Bernie détonne totalement sur ce morceau, s'inspirant du chant décadent des groupes Punk, Bernie se montre menaçant, impose une gouaille pas possible et un charisme déjà très affirmé malgré son jeune âge. Il se distingue vraiment du lot : il a ce truc en plus dans la voix qui le différencie nettement des autres combos flirtant aux lisières du Hard et du Punk de la même époque (les STARSHOOTERS, BIJOU, ou encore METAL URBAIN dans un autre registre). Et dire que l'homme n'a même pas encore 22 ans... La plume aussi est déjà là, même si le discours n'est pas aussi clair que ce qu'il deviendra plus tard. Mine de rien, ce titre est bien à l'image de sa pochette : ça sent les bas-fonds parisiens, la crasse... Ça parle de pute et de régime de flic, et aussi d'une certaine forme de désespoir (thème qui aboutira plus tard au fameux "Antisocial"). Mais avec déjà une recherche dans la musicalité : le travail guitare de Nono est précis, inspiré dans ses soli, et l'on sent que l'homme cherche à travailler son son pour le rendre unique. Certains de ses futurs tics guitaristiques sont déjà là. On notera également que Moho fait partie de l'aventure sur ce disque, lui qui ne reviendra finalement en studio que pour "Marche Ou Crève". Et le son est franchement excellent pour un tout jeune groupe.

Le second morceau est plus connu. Puisqu'il s'agit de l'adaptation en français du morceau d'AC/DC "Love At First Feel", que le groupe a ressorti plusieurs fois en concert, et notamment durant le fameux Bercy 88. On le découvre donc ici dans sa version studio. Un titre à l'ambiance beaucoup plus enjouée (même si le texte en français reste proche de celui de "Prends Pas Ton Flingue"), qui contraste donc avec la face A. "Love At First Feel" n'a rien d'extraordinaire à la base, du AC/DC dans ce que le groupe avait de plus Boogie, mais un titre ma foi tout de même sympathique. Les paroles de Bernie ont clairement plus d'intérêt que celle de Bon Scott. Ce n'est pas un brûlot, loin de là, mais le résultat est plus que convenable pour faire office de face B.

Lors de sa ressortie en EP en 1992, ces deux titres furent agrémentés de leurs versions anglaises. "Prends Pas Ton Flingue" étant rebaptisé "Glamour And The Rubbish Bin" pour l'occasion. Pour l'anecdote, l'EP conserve la mauvaise orthographe du titre d'AC/DC. Intéressant de constater que dès leur premier 45 tours TRUST envisageait déjà une carrière internationale, même si ces versions sont finalement restées longtemps dans un carton. Il faut dire aussi que Bernie a un accent franchouillard très prononcé, ce qui a peut-être rebuté Pathé-Marconi à les publier à l'époque. On préférera clairement le chant en français, mais c'est un document historique qui demeure intéressant.

Si vous êtes fan de TRUST et que vous n'avez pas eu l'occasion d'écouter ce 45 tours, et ben c'est bien dommage. Car clairement ces deux titres sont indispensables. C'est le début d'une longue histoire avec ce début de carrière tonitruant et les nombreuses déceptions qui suivront. À l'époque, le groupe en veut, ce 45 tours le prouve. "Prends Pas Ton Flingue" est non seulement le premier témoignage discographique de ce poids lourd du Rock français, mais aussi tout simplement un excellent titre. Par contre, bon courage pour le dégoter : la réédition est depuis très longtemps épuisée, faudra fouiller les bacs dans les foires aux disques si vous voulez mettre la main dessus.