On aurait tort d’oublier trop facilement la scène Black Metal grecque des 90’s. En effet bien que différente sur la forme des travaux d’Europe du nord et de l’est, elle fut d’une vivacité étonnante et quoique faiblement médiatisée, elle est devenue au fil du temps simplement incontournable. Faut-il encore rappeler que la qualité était très souvent présente dans les œuvres des pionniers : tels les occultes NECROMANTIA et VARATHRON, le lugubre THOU ART LORD et surtout le maître ROTTING CHRIST.

Le mésestimé "Non Serviam" se situe dans la continuité directe du très inspiré "Thy Mighty Contract", lequel semble aujourd’hui encore lui faire beaucoup d’ombre à juste titre sans doute. Du reste nous constatons que la production apparaît sensiblement plus claire, ce qui n’est pas négligeable pour ces morceaux qui se basent principalement sur les riffs et les mélodies de guitares. Nous remarquons que cet opus se révèle peut-être moins immédiat que son prédécesseur, pourtant reconnaissons qu’il demeure d'un niveau tout à fait élevé. Le phénoménal Sakis (Necromayhem) engendre des dizaines de riffs fameux et ses morceaux regorgent de mélodies mystiques dont lui seul possède le secret. Attardons-nous un instant sur ces mélopées et ces breaks remarquables qui sont autant d’invitations à des voyages astraux fascinants et dont le pouvoir hypnotique traverse les âges. Laissez ouvertes les portes d’airain des panthéons antiques, laissez se déverser en vous leurs légions de démons infernaux et leurs cortèges de divinités immémoriales.

Comment rester de marbre devant l’ineffable "The Fifth Illusion" ? L’un des bijoux Black Metal les plus racés de la création. Ses mélodies intenses en trémolo, doublée par sa rapidité d’exécution marqueront les esprits pour longtemps. Ce véritable brûlot est enchaîné avec le plus contrasté "Wolfera The Chacal", aux riffs saisissants et sinueux dont il conviendra de reprendre le refrain gorge déployée les jours de pleine lune. Nous touchons ici le sommet de l’Olympe ou plutôt les tréfonds du Tartare pour rester dans le ton. Notons également les très nombreux solos toujours lumineux qui émaillent l’ensemble des compositions, ainsi que ces claviers discrets dispensés par Magus Wampyr Daoloth (NECROMANTIA) qui soulignent les ambiances sinistres de manière pertinente, alors que le chant de Necromayhem est toujours aussi expressif et rigoureusement éructé.

Parlons encore du majestueux titre éponyme avec son féroce chant scandé et son mid-tempo irrésistible, puis glissons vers d’autres moments qui seront délicieusement écrasants mais aussi gorgés de rebondissements véloces et judicieux. "Morality Of A Dark Age" et son break miraculeux, le menaçant "Mephesis Of Black Crystal", les ambivalents et plus soutenus "Ice Shaped God" et "Where Mortals Have No Pride" aux guitares tintantes, ou le final mélancolique "Saturn Unlock Avey’s Son". Si dans ces pistes les atmosphères sont privilégiées, si certaines se révèlent plus lentes et nuancées, cela n’aura pas vraiment de conséquence puisque l’écriture véritablement habitée saura satisfaire les plus exigeants.

Le charme est donc total pour les amateurs de cette scène hellène hautement recommandable. Une entité qui possède en son sein nombres de trésors cachés et de trouvailles inaltérables. Une gemme mythologique qui prendra place dans une ancienne tombe de porphyre, sous les regards terrifiants de dieux gigantesques et impies.