La voici cette conclusion au triptyque 777, qui marquera à n'en pas douter une étape essentielle dans la discographie – étendue – de BLUT AUS NORD. La fin du voyage dans lequel les français nous ont transporté, semé parfois, lâché dans le vide, en apesanteur, englouti dans leur univers si profond qui explore toujours davantage de voies musicales, sans limite aucune. Un parcours initiatique véritablement, dans le territoire de l'Hydre; une découverte de sa pensée, de sa spiritualité, que "Cosmosophy" englobe, en album mené de main de maître par une entité qui n'en finit plus de dévoiler de nouvelles facettes de son art.

Le tableau peint par BLUT AUS NORD a progressivement délaissé le Black Metal encore très vivant sur "777 Sect(s)", jusqu'à devenir une forme modelée dans "Cosmosophy" ; forme qui suit de près l'expérimentation orchestrée sur "The Desanctification" : ce rejet du blast, cette volonté de faire du mid-tempo un espace de création atmosphérique sans égal, et cette façon de rendre minimaliste la progression et d'éteindre peu à peu le souffle organique du chant. "Cosmosophy" est la quintessence de cette évolution. Doom au possible, très Post-Black diront certains, il est lent – mais pas mou – suit son chemin avec patience, et est certainement le plus homogène du triptyque, voire l'un des plus homogènes de toute leur discographie. Manipulant les percussions avec talent, BLUT AUS NORD fait de ce matériau rythmique un pur objet de cadence, entièrement dévoué à la cause minimaliste et planante de l'album. Nuls blasts ici, je le disais, et peu de double-pédale, hormis sur des passages où le groupe renverse la tendance à l'élévation pour retomber dans les sonorités démentes dont il a le secret, en témoigne le sublime "Epitome XVI", à la longue entrée proche d'un "Ultima Thulée" ou "Memoria Vetusta", mais dont la progression amène vers des sols plus dangereux, où l'on distingue une nouvelle fois l'expérimentation harmonique de BLUT AUS NORD, déstabilisante au possible (magnifique et épique final).

"Cosmosophy" est dans la contemplation la plus totale et si "777 Sect(s)" se rapprochait davantage de Inferno, ce dernier tome emprunte la magnificence de Paradiso. Tout est calculé, discrets chœurs, percussions qui viennent se greffer à l'ensemble, et guitares de plus en plus présentes comme nappes ensorcelantes. "Cosmosophy" est à cet égard l'album le plus atmosphérique de BLUT AUS NORD mais aussi un de ceux qui marquent un tournant dans leur parcours, la preuve avec l'arrivée de ce chant clair si particulier, tellement humain qu'il choque à la première écoute. "Epitome XVII", le bien nommé, est le plus surprenant à ce niveau, le chant rappelant la New Wave pour un effet partiellement réussi, si l'on est sensible ou non à ce type de voix. A cela s'ajoute cet "Epitome XV", novateur au possible, très électronique, à base de beats renvoyant à "Thematic Emanation Of Archetypal Multiplicity" et de samples inquiétants au possible. Scandant son texte en français, Vindsval (est-ce lui ?) inonde nos oreilles, dans un langage hermétique, métaphysique et mystérieux au possible ("et le chaos se tut"). Surprise que ce titre, qui rappelle les délires de DIAPSIQUIR et amène de nouvelles possibilités à l'univers de BLUT AUS NORD, déjà riche en idées. Pourtant il y a un mais car "Cosmosophy", à trop vouloir faire dans le sublime, se perd quelque peu dans ses effets, qui se répètent vite, et de fait, l'album devient moins intéressant au fil des écoutes que ne l'étaient les deux premiers tomes.

De fait, si "Cosmosophy" est novateur par ces aspects, il n'en demeure pas moins classique en dehors, comme "Epitome XIV", qui reste néanmoins très bon, ou le long titre-conclusion "Epitome XVIII" qui pousse la progression minimaliste à l'extrême, allant puiser dans tout le savoir-faire de BLUT AUS NORD pour porter l'ambiance à des sommets éclatants. Aussi, nul doute que ce "Cosmosophy" conclut de belle manière la trilogie 777, mais au vu des dires de Vindsval, nous pouvions attendre davantage de prise de risques dans l'effort. Toujours aussi magnifique, la musique de BLUT AUS NORD se charge d'une aura céleste plus grande mais qui ne surprend plus vraiment. Les mélodies sont sublimes, les atmosphères oniriques, et le voyage s'achève sur une hauteur de vue qui perd en intensité mais gagne en puissance d'évocation.