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BLACK METAL ROMANTIQUE  |  STUDIO

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BLUT AUS NORD - Memoria Vetusta Iii : Saturnian Poetry (2014)
Par ISAACRUDER le 4 Novembre 2014          Consultée 7524 fois

Pour exprimer avec passion ce que le Black Metal de BLUT AUS NORD m'inspire il faudrait créer une foule de néologismes qui ne feraient encore qu'effleurer la surface vernie d'un des groupes majeurs de notre génération. Qu'il est tentant de tremper sa plume dans une encre sirupeuse et verser par torrents des phrases poétiques qui se prêteraient fort bien à la série des "Memoria Vetusta", mais ne seraient qu'une infime tentative de décrire le divin. Étrangement, mon écoute de "Memoria Vetusta III : Saturnian Poetry" n'est pas passée par une souvenance de Verlaine, comme le titre pourrait l'évoquer, ou un Saint-John Perse main dans la main avec Heredia. Non. Son écoute est entrée en résonance avec l'actualité, et plus précisément celle autour du nouveau livre d'Eric Zemmour. Explications.

La mémoire vétuste chantée depuis déjà trois piliers par Vindsval est en effet une ode au passé, à la Nature, à la grandiose époque oubliée et fantasmée par les Romantiques. Nature sublimée, comme le montrent tous les artworks depuis "Memoria Vetusta I : Fathers Of The Icy Age" (la réédition spécialement), rêvée, et faisant référence à un temps écrasé par le poids de la culture de l'instant et du Moderne (bon, celle de ce "Memoria Vetusta III" n'est décidément pas à mon goût). Écouter les "Memoria Vetusta", et ce III également, c'est repenser à Baudelaire et sa critique de la Modernité, dont Zemmour est finalement un avatar contemporain, moins porté sur la poésie je vous l'accorde, et pas au même niveau, clairement, mais tout aussi précis dans sa verve romantique et anti-moderniste. Car c'est un Romantique, quoi que vous disiez.

La Modernité, déjà décriée au XIXème, est pourtant une des faces de l'Hydre BLUT AUS NORD, qui a suffisamment trituré la source du Bruit et du Cauchemar pour nous le prouver. Mais voilà, "Memoria Vetusta" est dans son œuvre un artefact. Majestueux, impérial, et intouchable. Un rêve musical et surtout une plongée dans un passé merveilleux qui ne cesse d'habiter le Black Metal depuis ses origines. "Païen" n'est finalement là que pour témoigner et se faire porte-étendard d'un manifeste en faveur du souvenir : celui du Black Metal Romantique, celui de BATHORY, de WINDIR, celui encore chanté par WINTERFYLLETH ou plus violemment par BELENOS. Le Black Metal fasciné par le paganisme, par le culte de la Terre, par les anciennes légendes, aussi froid que la Mort, et pourtant si rassurant dans la lumière mouvante qu'il dégage. Aussi n'est-ce pas étonnant de constater que rien ne change vraiment dans "Memoria Vetusta III : Saturnian Poetry". Le son de guitare nous renvoie à son prédécesseur, et certains arpèges pourraient se retrouver dans n'importe quel titre des trois albums (la fin de "Forhist"). De même, les chœurs semblent scandés par les mêmes voix de fantômes du passé, majestueux, qui transportent toujours des passages si subtils en terme d'ambiance ("Metaphor Of The Moon", pourtant moins envoûtante que les autres épopées). Si la musique des "Memoria Vetusta" est une sérénade dont la forme est continue, c'est justement parce que BLUT AUS NORD chante la Tradition, et c'est là que Zemmour, Baudelaire et tant d'autres peuvent entrer en scène.

Car Zemmour ne fait qu'écrire un constat : la France éternelle défendue par Péguy, son identité chrétienne, ses valeurs, son souffle unique dans le monde, cette France est en train de disparaître sous les assauts sauvages de la Modernité. Baudelaire le regrettait déjà avant, pourtant si loin de considérations politiques, et Péguy le remarquait en terme d'éducation. Quel rapport avec BLUT AUS NORD et ce qui se joue dans "Memoria Vetusta" alors ? Et bien tout est en rapport. "Memoria Vetusta I, II et III" sont des éloges du passé, à la fois des éloges d'un Black Metal Antique qui a connu ses heures de gloire, mais aussi éloges d'un monde qui a disparu et que ces albums illustrent si bien. Aussi ne demande-t-on pas à "Memoria Vetusta III" de surprendre, mais bien de nous transporter encore dans cet ailleurs qui nous semble si loin, et fait pourtant partie étrangement de notre mémoire collective. Si Vindsval ne compose pas des odes à la gloire de la France chrétienne, il en compose davantage à la gloire des terres païennes, fasciné qu'il est par la mystique particulière de ces cultures, leur contemplation du sacré et leur propension à communier avec la Nature et l'Invisible ("Henosis" ressemble à un rituel constant, preste dans son déroulement). C'est là que, loin des soucis des nations, le Black Metal apparaît comme un mouvement immense, car ceux qui le font avancer, sont aussi ceux qui ne renient pas son passé, mais l'embrassent avec ferveur et dévotion, à la différence de notre pays justement, enfermé dans sa modernité, qui condamne ses origines et tente de les balayer comme l'enfant renierait son père.

Aussi "Memoria Vetusta III : Saturnian Poetry" n'a-t-il rien d'une révolution. C'est un album traditionnel, mais qui, entre les doigts de l'Hydre, devient un bijou, comme toujours. Bijou qui comporte cependant des défauts, qui font qu'il apparaîtra moins marquant que les précédents, alors qu'il est puissant mélodiquement. La faute à une fin d'album moins renversante certainement (le dernier titre est fade), mais aussi à cause, justement, de cette impression d'avoir déjà vécu le voyage, et ce même si ce III propose une épopée plus sombre et dynamique, peut-être même trop sombre, car gagnant en brutalité et perdant en mélodies travaillées, là où "Memoria Vetusta II" était un travail d'orfèvre. L'arrivée d'un batteur permet en effet à "Saturnian Poetry" de gagner en complexité et en frénésie, à grands coups de blasts plus violents et de roulements plus osés. Le tout gagne en naturel, ce qui était un comble dans les précédents, au vu du thème. Une nouvelle fois, ce "Memoria Vetusta" est tout de même rempli de moments monumentaux, de riffs mémorables et de bravoures perdues. "Tellus Mater", à elle seule, fait décoller l'album, avec ses mélodies jets dans le vent hivernal. Riche et profond, le morceau est la quintessence du talent mélodique de BLUT AUS NORD, et répond à cette idée de symphonie de guitares païennes. La variété est de mise, et les riffs plus lourds et impériaux viennent ralentir une cadence relevée par rapport à "Fathers Of The Icy Age" et "Dialogue With The Stars" (merci le batteur). De même, BLUT AUS NORD semble avoir accru ses références au Black Metal Païen des origines, la fin de "Forhist" étant absolument monstrueuse avec ses deux riffs sortis tout droit d'un chant épique et vainqueur. C'est de fait un plaisir absolu que de se sentir emporté dans cette cascade de mélodies géniales, qui ne font que prouver que le génie créatif de Vindsval est infini, aussi incroyable que cela paraisse, et qu'il ne cesse depuis "Ultima Thulé" de créer de nouvelles prouesses mélodiques et de nouveaux monuments de poésie.

Au demeurant, toute cette dithyrambe s'arrête donc, arrivé à "Metaphor Of The Moon", qui met clairement davantage de temps avant d'imposer son propos, en opposition à un titre comme "Païen", qui se suit comme une rivière d'or sans impuretés. Et si "Memoria Vetusta III : Saturnian Poetry" est sans surprise un calice au contenu sacré, il n'empêche qu'il apparaît moins marquant que "Dialogue With The Stars", qui le supplante dans sa grandiloquence pure, et qu'il est loin de "Fathers Of The Icy Age" question mystère et ancestrale curiosité. Plus sombre peut-être, mais moins garni de moments légendaires, ("Clarissima Mundi Lumina" est un final sans grande saveur), cette troisième partie des "Memoria Vetusta" reste un album de Black Metal magique, et un des albums de l'année, mais il n'est pas l'album de l'année attendu. Il demeure néanmoins partie intégrante de ce grand arbre que BLUT AUS NORD a planté dans le sol consacré de l'Antique face au Moderne, grand arbre que l'on souhaite voir pousser, encore et encore, pour irriguer nos mémoires encrassées.

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- Vindsval
- Inconnu


1. Prelude
2. Païen
3. Tellus Mater
4. Forhist
5. Henosis
6. Metaphor Of The Moon
7. Clarissima Mundi Lumina



             



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